Je ne reprends, moi aussi, que quelques questions.
On a demandé qui était propriétaire des données. Cette réflexion dépasse largement la génomique pour englober toutes les données générées : elles ne concernent pas seulement la génomique et l'examen clinique, mais aussi, désormais, l'imagerie en produit, avec aussi énormément de possibilités d'interprétation. Il faut réfléchir à la propriété des données en se demandant ce qu'on peut en faire, et ce qu'en ferait un organisme tiers qui les analyserait. Quelle que soit la réponse, que je ne donnerai pas, l'important est que le patient puisse y accéder et qu'on puisse aussi le retrouver pour l'informer sur ces données personnelles. De même les découvertes incidentes à une analyse donnée proviendront dans l'avenir pas seulement de la génétique, mais aussi de l'imagerie. Il faut que le législateur soit capable de fixer le cadre réglementaire nécessaire pour que ces données puissent être analysées de façon anonyme par le chercheur et pour qu'on puisse aussi reprendre contact avec le patient – auquel on demandera d'abord s'il souhaite être informé –, et auquel on pourra ensuite communiquer des données qui auront une incidence pour lui dans la suite.
Je trouve pertinente la question sur la santé au travail, car celle-ci est organisée, et c'est le domaine où la prévention essaye de se développer. En réfléchissant à une médecine préventive ou prédictive, c'est en effet un champ de recherche et d'expérimentation intéressant. Encore faut-il l'organiser de façon pertinente, c'est-à-dire de telle sorte que les données recueillies soient utilisables en recherche, donc recueillies de façon très bien établie et homogène, et qu'on puisse les reprendre pour les affiner. Les données sont des ingrédients. Pour les utiliser, il faut les traiter, selon des recettes. Mais pour qu'elles ressortent de la gastronomie, il faut que la qualité des ingrédients soit particulièrement fiable. Ce domaine est intéressant aussi, car une personne entre dans le circuit de la prévention, on peut ensuite détecter une pathologie qui peut être induite par le travail, et peut-être définir des facteurs favorables à ce qu'elle survienne.
Je ne souhaite pas opposer le principe d'innovation au principe de précaution, tous deux évoqués par Olivier Véran. Il faut se donner les moyens de l'innovation en fixant des cadres réglementaires qui permettent de ne pas y renoncer, et surtout d'accélérer. En effet, les délais réglementaires pour débuter un protocole nous mettent en retard par rapport à d'autres. Le comité national de coordination de la recherche essaye d'y travailler avec diverses instances réglementaires et industrielles, afin de pouvoir faire de la recherche clinique de façon plus rapide. La précaution est importante, mais il y a des verrous que l'on peut lever – mais on dépasse ici le seul domaine de la génomique.
Sur la diffusion de la culture scientifique, je dirai d'un mot que nous avons besoin de véhicules qui ne soient pas les nôtres, en tout cas pas ceux de ma génération, mais des suivantes. Nous devons diffuser sur les réseaux sociaux et sur des médias tels que YouTube, ou très accessibles sur les smartphones, des informations qui soient une bonne vulgarisation de la science et de la recherche. Ce n'est pas au point. Ce qu'on y trouve actuellement, ce sont des données orientées et erronées. Cela fait aussi partie du travail de professeur, mais nous ne pouvons pas tout faire. Derrière cela, il y a la question de l'acculturation des citoyens à la recherche clinique. Il faut qu'ils soient en état de dire s'ils veulent entrer dans un protocole de recherche, être capables de donner un consentement éclairé. Or il devient de plus en plus difficile d'expliquer ce qu'on va faire réellement. Pour parvenir à informer chacun raisonnablement, il y a des efforts de formation à faire y compris envers les patients, ce qui n'est pas facile. Certaines organisations le font et il faut les renforcer, y compris sur les sujets que nous venons d'évoquer. Ce sont les structures de direction et d'organisation de la recherche au sein des établissements de santé et notamment des centres hospitaliers universitaires (CHU). C'est là que nous voyons directement les patients en consultation. Le CHU est en lien direct avec l'INSERM, et les organismes qui permettront de recueillir les consentements dans de bonnes conditions et de garder le patient dans le circuit de la recherche seront probablement toujours à ce niveau et il faut le réaffirmer ici.
Enfin, un mot sur le coût de l'innovation et des médicaments. La médecine prédictive peut offrir une chance d'améliorer l'accès des patients à l'innovation, en ce sens que, grâce à la détection de mécanismes de plus en plus fins, on constitue des sous-groupes de malades qui vont répondre à certains traitements, alors que d'autres sous-groupes atteints de la même maladie n'y répondront pas. C'est le cas avec les anticorps monoclonaux. Il faut trouver des biomarqueurs permettant de dire si un patient répondra à un traitement auquel un autre patient atteint de la même maladie ne répond pas. C'est une façon de diminuer les coûts, pour les maladies chroniques.