Intervention de Christien Byk

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Christien Byk, conseiller à la cour d'appel de Paris, président du comité intergouvernemental de bioéthique de l'UNESCO :

J'aimerais d'abord faire une réponse globale sur les rapports entre sciences et droit. Certains affirment que le droit est toujours en retard par rapport aux avancées de la science, mais il faut bien voir que droit et sciences répondent à des logiques différentes. Le droit traite de la réalité mais ne la crée pas. Les paysages et les routes existent en dehors du droit mais si l'on ne traçait pas de lignes continues ou discontinues selon la dangerosité des routes, si l'on ne décidait pas arbitrairement qu'il faut rouler à droite ou à gauche, imaginez ce que serait la situation. Il y a un besoin social de droit qui dépend de l'acceptabilité sociale de certaines technologies. À quoi tiennent les raisons de cette acceptabilité ? À un consensus autour de règles de vie commune, de règles d'éthique, de règles pratiques ? Ou bien à une manipulation, compte tenu des injonctions à la performance qui se développent dans notre société ? Il ne faut pas avoir peur d'édicter des normes qui aient un sens politique, mais il ne faut pas non plus être naïf au point de refuser de voir que certains cherchent à manipuler le consensus social.

C'est là que se pose la question de savoir jusqu'où encadrer la recherche. Il y a des réponses que le juriste peut apporter directement en disant que certaines lois ne sont pas suffisamment adaptées à certains développements de la science : citons le cas des nanotechnologies au niveau européen – même si des textes trop spécifiques ne seraient peut-être pas les plus pertinents. Dans le domaine pénal, se pose le problème de la preuve. Ces dix dernières années, la subjectivité des évaluations effectuées par les psychiatres ou les psychologues a beaucoup été mise en cause. On a souligné les erreurs pénales auxquelles cela conduisait. Les images du cerveau permettront-elles une objectivation de nature à améliorer les décisions pénales ? Nous savons qu'elles ont pu avoir une certaine utilité. Dans un procès en 2007, elles ont conduit à modérer la peine encourue.

Qu'en est-il des utilisations à des fins non-médicales ? Il me semble nécessaire de procéder catégorie par catégorie. L'exemple des employés chinois que M. Chneiweiss a cité est pour nous très choquant. Mais ne pourrait-on comprendre qu'un conseil d'administration ait de telles préoccupations quand il s'agit de nommer un président directeur général amené à diriger 100 000 personnes à travers le monde ? Il ne faut pas avoir de raisonnements trop généraux.

De la même manière, il importe de distinguer les niveaux de règles. Il faut développer les bonnes pratiques. La remarque que vous avez faite, madame Wonner, est à ce titre très intéressante : nous allons vers une part de non-médical. Dans l'ex-Union soviétique, les ingénieurs jouaient un grand rôle dans la médecine. Les biologistes occupent une place croissante depuis une vingtaine d'années. Sans doute va-t-on assister à l'émergence d'un autre type de techniciens. Le secret médical sera partagé avec d'autres professionnels.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.