Intervention de Jacques Lucas

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 11h00
Commission des affaires sociales

Jacques Lucas, médecin, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins :

Merci beaucoup, madame la présidente. Permettez-moi d'attirer l'attention de vos deux commissions sur l'ouvrage intitulé « Le médecin et le patient dans le monde des data, des algorithmes et de l'intelligence artificielle », qui a été publié par le Conseil national de l'Ordre.

Tout va reposer, en fin de compte, sur la collecte et le traitement des données. Si elles ne sont pas de bonne qualité, l'intelligence artificielle sera sotte : elle sera nourrie de données non pertinentes. On estime aujourd'hui qu'environ 30 % des publications médicales et scientifiques aboutissent à des conclusions erronées parce que le traitement des données n'a pas été de bonne qualité. Avant même de parler d'intelligence artificielle, il faut donc regarder, ainsi que vous l'avez dit, madame la présidente, comment elle est constituée et si elle est véritablement intelligente. Ainsi que l'a souligné Jean-Gabriel Ganascia dans sa contribution à notre ouvrage, il importe de ne pas reproduire des certitudes dogmatiques lorsque l'on construit un algorithme : le traitement des données ne serait pas pertinent.

Par ailleurs, et je pense que l'Assemblée nationale ne peut qu'être sensible à cette question, il ne faut pas que les avancées scientifiques accentuent les discriminations en raison d'un inégal accès, notamment sur le plan territorial, aux dispositifs qui pourraient être mis à la disposition des citoyens et des professionnels de santé. J'utilise le terme de citoyen plutôt que celui de patient, car les dispositifs d'intelligence artificielle peuvent venir au secours de personnes qui ne sont pas malades, notamment dans le cadre du dépistage et de la prévention, ce qui nécessite bien évidemment une attention particulière.

Le Conseil national de l'ordre a produit 33 recommandations, d'inégale portée. L'une d'entre elles souligne que les technologies, et notamment celles de l'intelligence artificielle, doivent être au service de la personne et de la société. Celles-ci doivent être libres et non asservies aux géants technologiques, qui ne sont d'ailleurs pas des États mais des sociétés de droit privé. Ce principe éthique, qui est fondamental à nos yeux, doit être réaffirmé à l'heure où les dystopies et les utopies les plus excessives, notamment au sujet de l'homme immortel, sont largement médiatisées. C'est pourquoi nous recommandons l'adoption de règles protectrices dans le droit positif. Nous avons bien conscience que ces règles doivent avoir une portée internationale : la France et l'Europe politique doivent en faire une de leurs ambitions majeures. Les technologies sont au service d'un projet de société, et l'on doit réaffirmer les repères de ce qui fait notre humanité.

Guy Vallancien, qui a lui aussi contribué à notre livre blanc et que vous avez peut-être auditionné, considère en outre que si l'on est attentif au climat et au réchauffement climatique, il faut vraisemblablement organiser une conférence internationale sur le déploiement de l'intelligence artificielle.

Voilà les observations que je voulais formuler à titre liminaire. Je répondrai volontiers à des questions plus précises et plus concrètes si vous le souhaitez.

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