L'économie collaborative a donné naissance à un nouveau type de travail reconnu par la loi comme « indépendants », mais ces travailleurs, dans les faits, ne sont ni salariés, ni indépendants : chauffeurs de VTC, livreurs à vélo, prestataires de services multiples au volume grandissant ne sont pas libres de fixer leurs tarifs ni d'établir leurs rythmes de travail ; dans un nombre croissant de cas – comme celui des chauffeurs de VTC qui louent leur voiture pour travailler – ils ne possèdent pas leur outil de travail. Il est même demandé à certains, comme les livreurs à vélo, de porter un uniforme !
En clair, ces travailleurs ne sont pas indépendants car ils ne jouissent d'aucune des libertés liées à ce statut. Mais ils ne bénéficient pas pour autant des protections liées au statut de salarié : leurs accidents du travail ne sont pas indemnisés et leurs plateformes ne sont pas responsables. Ils n'ont ni représentants du personnel ni salaire minimum. En fait, ils n'ont aucune garantie compensatrice de leur position de subordination.
Les évolutions récentes sont très insatisfaisantes. Ce n'est certainement pas la possibilité pour les plateformes d'adopter une « charte sociale », sorte de convention collective au rabais et non négociée, qui améliorera leur situation ; elle ne fera qu'institutionnaliser une dérive inquiétante. La précarité des travailleurs augmente à mesure que les tarifs fixés unilatéralement par les plateformes baissent. C'est ce qui explique qu'il y a dix jours, les livreurs à vélo parisiens travaillant pour la plateforme Deliveroo ont lancé une grève d'une semaine, malgré toutes les difficultés que présente leur statut puisque dès qu'ils ne travaillent pas, la plateforme redistribue leur travail à un autre prétendu travailleur indépendant.
En somme, ces dispositions font resurgir une situation semblable à celle du XIXème siècle, avant même que le droit du travail n'existe. Est-ce là l'objectif de la « start-up nation » que certains d'entre vous défendent ? Est-ce ce que nous voulons généraliser ? Ce n'est pas acceptable. C'est pourquoi la requalification de ce statut en contrat de travail nous semble nécessaire. Tel est l'objet de cet amendement.