Nous avons là clairement un point de désaccord majeur. D'abord, vous parlez de protection sociale financée par l'impôt, à l'opposé du système assurantiel financé par les cotisations : nous avons bien compris que c'était là votre objectif, décliné à maintes occasions, en totale rupture avec le système de sécurité sociale en vigueur. La notion de « protection sociale », que vous évoquez, inclut, certes, la sécurité sociale, mais aussi des systèmes d'assurance privée.
Pour en revenir aux livreurs à vélo, pourquoi, monsieur Taché, une charte sociale ne serait-elle pas négociée ? Pourquoi les premiers concernés ne pourraient-ils pas avoir voix au chapitre ? Vous venez d'affirmer que vous voulez permettre aux plateformes qui le souhaitent de mieux protéger leurs employés. Nous n'entendons pas, pour notre part, que les plateformes veuillent bien « souhaiter » mieux les protéger : c'est une nécessité. Peut-on tolérer qu'un jeune livreur à vélo, si demain il se casse la binette, ne soit pas protégé ? Rendez-vous compte de cela ? Vous proposez en fait une régression considérable, un grand bond en arrière qui nous ramène à l'époque antérieure à l'émergence du droit du travail.
Vous ne pouvez pas en même temps vouloir développer l'économie et le travail et défendre ce type d'activité, ce n'est pas possible. Nous vous demandons vraiment de garder raison sur ce point. Ce serait à votre honneur de revenir sur cette disposition, d'imposer de vraies négociations et d'entendre les revendications des premiers concernés. Ils ont profité de la coupe du monde pour essayer de mener leur action, avec toutes les difficultés que cela suppose car vous imaginez bien que le seul fait de se mobiliser, voire de faire grève, dans leur situation, n'a rien d'évident. C'est bien la preuve que ces salariés, qui ne sont pas reconnus comme tels, cumulent tous les désavantages ; ils doivent être reconnus comme des salariés et donc en avoir le statut.