J'entends vos propos sur les mouvements en cours, sur les mobilisations, au point d'ailleurs que j'ai reçu de nombreux représentants des collectifs ou des organisations syndicales de ces travailleurs pour échanger avec eux sur le sens de ce que nous proposons mais également sur les problèmes qu'ils rencontrent.
Vous posez la question, monsieur Quatennens, de la négociation collective avec ces travailleurs. Je l'entends parfaitement et j'y souscris. Seulement, aujourd'hui, il n'y a pas de représentation qui permette d'avoir un dialogue social comme on peut en effet l'avoir avec des salariés. Il faut donc, c'est clair, réfléchir à la représentation des travailleurs indépendants : comment créer un espace où ils soient susceptibles de discuter de sujets très importants pour eux – prix, conditions de travail, etc. ? Pour l'instant, force est de constater que ce cadre n'existe pas. Donc, à moins d'avoir un échange régulier avec ceux qui sollicitent la représentation nationale, on ne peut pas aller beaucoup plus loin à ce stade et je le regrette. Je crois que plusieurs syndicats veulent mettre cette question à l'ordre du jour de l'agenda social ; à titre personnel j'y suis très favorable.
M. Dharréville a évoqué le modèle de protection sociale que nous souhaitons. Certes, nous avons des différences. Nous voulons en effet basculer le financement de cette protection sociale sur l'impôt parce que nous pourrons ainsi supprimer les cotisations salariales et redonner du pouvoir d'achat ; nous pouvons aussi baisser la cotisation patronale d'assurance chômage pour redonner des marges aux entreprises afin qu'elles embauchent. Voilà pourquoi nous voulons aller vers un modèle universel, un modèle qui tient moins compte des statuts que des individus – qui peuvent passer d'un statut de salarié à un statut d'indépendant au cours de leur vie, voire ne plus avoir de droits à tel ou tel moment. Il faut tendre vers ce type de protection sociale plus universelle, plus liée aux individus, et donc passer à un financement par l'impôt.
Enfin, en attendant que ce modèle de protection sociale aboutisse réellement, je ne me satisfais pas du statu quo. Vous évoquez, monsieur Quatennens, le cas d'un livreur à vélo victime d'un accident. À quoi peut-il prétendre aujourd'hui ? À rien. Alors que, grâce à nos propositions, les plateformes qui adopteront une charte sociale, puisqu'elles auront un intérêt à le faire et, surtout, puisqu'elles n'auront plus la crainte d'une requalification en salariat pour cette raison-là, pourront prévoir des contrats d'assurance en cas d'accident, fixer un prix décent pour que ces chauffeurs et ces livreurs vivent dignement de leur travail.
Ainsi, encore une fois, nous divergeons sur la philosophie du modèle social que nous souhaitons : nous croyons, nous, en une protection sociale universelle, nous croyons que ces travailleurs sont des travailleurs indépendants. Nous divergeons également sur la méthode : nous préférons, à défaut d'attendre le grand soir, donner un cadre à ces travailleurs afin qu'ils bénéficient d'avancées concrètes : c'est ce que nous allons proposer dans un moment. Je réitère mon avis défavorable.