Intervention de René Frydman

Réunion du mercredi 20 juin 2018 à 16h15
Commission des affaires sociales

René Frydman, gynécologue-obstétricien :

Je vous remercie de m'avoir invité ; malheureusement, je ne pourrai rester jusqu'au bout, étant obligé de prendre un train ; mais je vais profiter de ces quelques minutes pour faire passer des messages forts puisque voilà quarante ans que je connais la procréation médicalement assistée (PMA) de très près.

J'ai constaté une certaine évolution de la société, avec en particulier un désir, une demande d'enfant plus tardive. Il est une information importante que vous connaissez, bien sûr, mais que les patients ne connaissent pas suffisamment : la fertilité baisse avec l'âge chez la femme, pas chez l'homme, si bien que la moyenne d'âge pour la procréation médicalement assistée est aujourd'hui de trente-huit ans. Les patientes qui viennent nous voir sont donc très vite tout proches du mur de l'échec. Ce qui m'amène à dire que, plutôt que de réagir à toutes les prétendues nouveautés que l'on voit passer ici ou là, il faudrait promouvoir la prévention qui passe par l'information – comme celle que je viens de donner. Je fais souvent référence à la sécurité sociale qui informe qu'il y a un dépistage du cancer du sein ou du cancer du col de l'utérus ou encore du colon. Il s'agit pour nous, médecins, de ne plus nous trouver en face de quelqu'un qui nous dise : « Ah, mais, docteur, je ne savais pas et en plus j'ai lu dans tel journal qu'untel âgé de cinquante ans vient d'avoir un beau bébé. » Et cela sans que personne n'indique que c'est à partir d'un don d'ovocytes.

L'information, tout à fait indispensable, est liée à la recherche qui doit continuer de se développer malgré certaines associations qui s'opposent à toute recherche sur l'embryon. C'est la clef, parce que tout le monde parle de PMA mais les résultats sont tout à fait en deçà de ce qu'on souhaiterait ; or, et l'on peut certes discuter du fait de savoir qui et comment, il faut que ça marche – et ce n'est pas suffisamment le cas, même si nous connaissons tous quelqu'un qui a tenté ce type de traitement. On en note une augmentation importante puisque 80 000 à 90 000 tentatives sont faites par an – je signale au passage que nous en serons, en Chine, dans deux ans, à un million de tentatives par an.

Le contexte international, en la matière, pose un vrai problème : d'efficacité et de recherche, d'une part, et commercial de l'autre – nous y reviendrons dans un instant.

Autre information : 60 % des embryons ne vont jamais se développer, taux qui peut atteindre 80 % en fonction de l'âge de la patiente ; c'est-à-dire que nous faisons une très mauvaise médecine parce que nous obtenons un certain nombre d'embryons, nous les remettons en croisant les doigts, ce qui n'est pas très médical, nous les congelons aussi, parfois pour des mois et des années, l'attente n'étant pas sans effets secondaires, et tout cela pour rien pour 60 % à 80 % d'entre eux parce qu'ils n'ont pas de potentiel de développement – je ne parle pas ici de qualité. Nous sommes un des seuls pays européens à ne pas pouvoir, dans certains cas – et, j'y insiste : dans certains cas –, faire des examens qui permettraient de connaître la potentialité de l'embryon.

Une femme de trente-cinq ans informée que sa réserve ovarienne est altérée, qu'a-t-elle comme solution ? Soit elle accélère le mouvement, soit elle rencontre un prince charmant plus tôt que prévu, soit, éventuellement, elle procède à une auto-conservation de ses ovules – il me semble important d'ouvrir cette possibilité aux femmes concernées, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas discuter des modalités : quand commencer, comment le faire rembourser, ne pas le rembourser, quand arrêter… ? Autant de problèmes importants qui relèvent sans doute plus d'un décret que d'une loi. Il faut en tout cas répondre positivement à cette demande plutôt que de lui opposer un « niet », avec en plus, à la clé, comme vous le savez, l'autorisation, si vous avez un cancer, si vous voulez donner la moitié de vos embryons, de conserver vos ovocytes. Voilà quelle est la situation actuelle et elle n'est pas honorable.

Enfin, pour les femmes ayant atteint un certain âge, la demande de dons d'ovocytes ou de gamètes est un peu une fuite en avant. Or la moitié des centres français privés ne peuvent pas faire de campagne d'information, toute campagne devant être nationale plutôt que locale, alors que, dans ce genre de démarches, il faut être entouré, accompagné et ce n'est pas par un spot publicitaire qu'on va jusqu'au bout de la démarche, même s'il peut provoquer une légère réaction. Il faut donc revoir en profondeur le système du don d'ovocytes et promouvoir une véritable information.

Quelle que soit la technique proposée et quel que soit le contexte, il y a deux principes éthiques fondamentaux à respecter. On doit d'abord bien réfléchir sur le fait de savoir si ce qu'on va proposer est délétère pour quelqu'un : délétère pour un des membres du couple s'il y a couple, pour l'enfant ou pour quelqu'un qui serait « utilisé », comme les mères porteuses, femmes aliénées par l'argent. Ce qui me conduit au second principe : ne pas tomber dans la commercialisation, celle du corps en particulier, puisque je constate avec une certaine inquiétude que l'évolution de la situation dans le monde suscite très peu de réactions. On assiste en effet à une commercialisation très importante qui risque de déboucher sur celle d'autres parties du corps – ainsi n'évoquerons-nous plus le don mais bien la vente d'organes. Nous devons donc mener une réflexion éthique.

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