Je voudrais dire un mot de l'autoconservation. Cette question est aujourd'hui dans le débat public parce qu'il y a eu une évolution technique et parce que les grossesses sont de plus en plus tardives. Parce qu'elles ont trop attendu, certaines femmes, et pas seulement des célibataires, se retrouvent avec des ovocytes qui ne sont pas fonctionnels ; elles font trois ou quatre FIV, pour finir par un don d'ovocytes. L'autoconservation est donc une proposition technique qui répond aux transformations sociales de la maternité.
Malgré tout, la situation est paradoxale à un double titre.
Les gynécologues qui l'ont proposée et qui y sont très favorables ont fait un parallèle, que je trouve magnifique, entre la contraception et l'autoconservation en disant : la médecine a été capable d'offrir aux femmes quand elles étaient fertiles la possibilité de ne pas être fécondes ; à présent, on peut leur offrir la possibilité d'être fécondes alors qu'elles ne sont plus fertiles. Le problème est que l'arrivée de la contraception a été le fruit d'un double mouvement : un mouvement technique et médical, et un mouvement de société. Toutes les femmes se « contraceptaient » par les moyens illégaux ou légaux. La contraception a toujours existé, et il y a eu un mouvement social – que vous connaissez ou dont on vous a parlé – pour la faire passer. Or, il n'y a pas de mouvement social sur l'autoconservation.
J'ai enquêté auprès de femmes âgées d'environ de trente-cinq ans – pas seulement célibataires – et donc en âge d'y recourir : si on pense, à chaque rapport sexuel, qu'on pourrait être enceinte, on n'imagine pas qu'on pourrait être infertile. Cette éventualité est totalement absente, sauf si un cas similaire s'est présenté dans la famille. Dès lors qu'on ne se croit pas infertile, on ne pense pas à revendiquer un droit pour se protéger contre l'infertilité.
Ensuite, et c'est le deuxième paradoxe, l'Académie de médecine, qui liste tous les risques médicaux liés à l'autoconservation, qui sont importants – sur-stimulation, pas de résultats avérés, etc. – se prononce néanmoins pour. En revanche, le Comité consultatif national d'éthique, qui est normalement dans une dynamique davantage sociétale, se prononce contre.
Il va donc falloir que les députés résolvent cette contradiction. Je pense qu'ils vont aller dans le sens des conclusions émanant des États généraux, à savoir qu'il est incompréhensible que cette technique soit interdite, a fortiori si l'on explique bien aux femmes que le recours à l'autoconservation leur épargnera de devoir recourir à un don d'ovocyte. Toutes les femmes que j'ai rencontrées et qui sont allées en Espagne se sont retrouvées en recherche de double don, alors qu'elles croyaient pouvoir être enceintes avec une insémination. Cela leur permettrait au moins éviter les problèmes liés au don de gamètes, aux origines, à la généalogie, à la filiation, des origines, etc. tout en se donnant des chances d'avoir des enfants issus de leurs propres gamètes.
Par ailleurs, je parle quant à moi de « migrations procréatives ».
Juste quelques mots sur la GPA. Jusqu'à présent, la maternité était certaine. Elle ne l'est plus. La maternité biologique était définie par l'accouchement. Elle ne l'est plus. C'est la seule transformation sociale qu'ait introduite la PMA : elle a dissocié la maternité biologique en deux, en sortant l'ovule du corps de la femme, ce que l'on ne pouvait pas faire jusqu'alors. Avant, on ne pouvait qu'être à la fois donneuse et gestatrice – c'étaient les mères porteuses traditionnelles. Maintenant, on peut dissocier les deux.
Je ne souhaite pas m'engager dans un débat général sur la gestation pour autrui, et sur son ouverture aux couples masculins. J'observe que la procréation médicalement assistée n'a pas inventé l'adultère : elle a inventé l'insémination artificielle avec donneur (IAD) et le dédoublement de la maternité.
Pour conclure, je ferai une petite suggestion à ceux qui vont rédiger des amendements ou des propositions de loi. Autorisons au moins les couples hétérosexuels dans lesquels la femme est privée d'utérus – à cause du distilben, du syndrome de Rokitansky ou d'accouchements précédents catastrophiques – à avoir recours à une gestatrice. Ainsi, ils auront le droit de procréer avec leurs propres gènes. C'est une inégalité qui est injustement ressentie par les femmes : une stérilité est reconnue pas la médecine, et pas l'autre.