Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du lundi 23 juillet 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons une nouvelle lecture du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel après l'échec de la commission mixte paritaire. Je regrette cet échec – qui était toutefois prévisible – pour deux raisons. Alors que le Gouvernement envisage une réforme institutionnelle qui remet en cause les prérogatives du Parlement, le Président de la République annonce au Congrès le dépôt d'un amendement au Sénat visant à imposer aux partenaires sociaux le soin de négocier de nouveaux accords d'assurance chômage sans attendre l'échéance de l'actuelle convention, fixée au mois de septembre 2020. L'irruption d'un amendement présidentiel réécrivant l'article 33 a suscité la réprobation de la majorité des responsables des groupes politiques au Sénat. Que dire face à une telle impréparation du Gouvernement qui prévoit de modifier l'écosystème de sa propre réforme de l'assurance chômage ? La commission des affaires sociales ne disposait pour cet amendement ni d'une étude d'impact, ni de l'avis du Conseil d'État, ni du temps suffisant pour organiser des auditions complémentaires. Je ne m'attarderai pas sur le risque d'inconstitutionnalité de l'amendement, déjà rappelé, lié à la remise en cause du principe de liberté contractuelle.

L'échec de la CMP est dû aussi au fait que vous ayez voulu supprimer tous les acquis du Sénat permettant un meilleur équilibre entre les régions et les branches professionnelles en matière d'apprentissage. Le Sénat, par un travail en profondeur, a voulu renforcer le rôle des régions sans enlever de pouvoir aux branches. Alors que vous exprimez sans cesse votre souhait d'une co-construction législative et du dialogue, vous avez considéré que ce nouvel équilibre était la ligne rouge à ne pas franchir. L'article 5, qui crée une obligation de certification des formations par apprentissage, ne fait pas exception dans l'impréparation. Avouons cette fois que les modifications ont été demandées par plusieurs groupes dont le groupe majoritaire lui-même ! Mais votre projet de loi a tellement bougé par ailleurs qu'il en est devenu très difficilement lisible, ce qui va créer de l'insécurité juridique, préjudiciable aux acteurs. Le Gouvernement avait au départ considéré que les établissements d'enseignement secondaire ou supérieur publics ainsi que les établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général – EESPIG – étaient « réputés exonérés de l'obligation de certification mentionnée à l'article L. 6316-1 pour les actions dispensées par la voie de l'apprentissage », comme le précisait un paragraphe très clairement rédigé de l'article 5 du texte.

Les députés que nous sommes avaient décidé collectivement qu'il ne devait pas y avoir d'exception et que toutes les actions dispensées par voie d'apprentissage devaient être certifiées à l'identique. Au terme d'une discussion et d'un compromis en séance où la majorité est revenue en partie sur sa position – je passe les détails, n'est-ce pas, monsieur Maillard ? – , nous avions remplacé l'alinéa qui prévoyait l'exonération par un paragraphe nouveau détaillant les conditions dans lesquelles cette nouvelle obligation de certification était mise en oeuvre, notamment pour les lycées professionnels, publics et privés associés à l'État par contrat. Les sénateurs ont supprimé cet alinéa qui disposait clairement que les établissements d'enseignement secondaire étaient soumis à l'obligation de certification, considérant, comme le Gouvernement au départ, que ces établissements devaient faire l'objet d'une exception. L'article 5 tel qu'il est rédigé aujourd'hui ne fait donc plus aucune mention des établissements d'enseignement secondaire et Mme Fabre a refusé en commission, la semaine dernière, dans la plus grande impréparation, de faire adopter notre amendement qui venait rétablir la rédaction de cet article sur laquelle nous nous étions mis d'accord à l'Assemblée.

Par ailleurs, Mme Fabre a déclaré en commission qu'il était inutile d'adopter notre amendement de rétablissement de la version de l'Assemblée parce que notre amendement était d'ores et déjà satisfait par l'article 11. Réponse pour le moins sibylline ! J'ai donc une demande précise : les lycées professionnels sont-ils considérés, oui ou non, comme des prestataires au sens de l'article 6351-1 – article 5 du projet de loi – sans que nous ayons besoin de le préciser, comme nous le faisions pourtant dans toutes les versions antérieures du texte ? Si les lycées professionnels ne sont pas couverts par l'article 5 mais par l'article 11, qu'en est-il des lycées privés associés à l'État par contrat ? Et enfin, dans tous les cas, le délai supplémentaire qui avait été introduit pour les lycées professionnels est-il bien préservé dans la version de la nouvelle lecture ? S'il ne l'est pas, l'éducation nationale fera face à un problème énorme. Madame la ministre, face à de telles impréparations et incertitudes, nous maintenons évidemment notre position contre ce projet de loi, que nous jugeons néfaste pour l'avenir professionnel.

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