Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du mercredi 25 juillet 2018 à 15h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 33

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Monsieur Cherpion, monsieur Dharréville, j'accorde trop de prix à nos débats pour ne pas vous répondre lorsque vous y apportez des éléments nouveaux. Sur l'article 33, issu d'un amendement déposé par le Gouvernement au Sénat, il est bon que le Gouvernement exprime ses intentions. En revanche, lorsque vous soutenez des amendements que nous avons déjà examinés en commission, puis en première lecture, et sur lesquels je me suis par conséquent exprimée deux fois, je pense pas que répéter les mêmes arguments apporterait beaucoup à la discussion. Voilà pourquoi je choisis de m'exprimer sur certains amendements plutôt que sur d'autres.

Pourquoi cet article 33 ? Pour deux raisons, l'un de contexte, l'autre de fond.

Sur le contexte, il ne vous a pas échappé que trois des organisations patronales et syndicales importantes de notre pays ont procédé à un renouvellement ou à un changement de gouvernance. De ce fait, de nombreux partenaires sociaux du domaine patronal ou syndical – mais pas nécessairement animés des mêmes intentions – ont demandé un agenda social concerté, plus large, comprenant des sujets proposés par le Gouvernement ou les partenaires sociaux. Compte tenu de cette démarche, le Président de la République les a reçus récemment. Ils ouvriront quatre chantiers à la rentrée de septembre, les uns avec nous, les autres sans nous.

Dans un tel contexte, pourquoi revenir sur l'assurance chômage afin de compléter ce que nous avons déjà prévu ? Plusieurs éléments nous ont paru importants.

Le premier est que nous connaissons un contexte de crise économique qui a du mal à se concrétiser en emploi. Dans certains métiers en tension, on cherche à pourvoir 200 000 à 300 000 emplois, voire 400 000. Les chiffres sont de cet ordre. Des représentants des PME le disent tous les jours. Des enquêtes le prouvent chaque semaine. C'est un problème. Il faut donc que les règles de l'assurance chômage soient favorables à l'embauche.

Le deuxième élément, que j'ai déjà évoqué, est que la précarité reste excessive. Celle-ci est moins importante dans les pays européens dotés d'une bonne dynamique économique, notamment ceux de l'Europe du Nord. On peut l'attribuer à une impression, en grande partie légitime, que ressentaient nos chefs d'entreprise. Notre système leur semblait si compliqué qu'ils préféraient opter pour la flexibilité à l'extérieur de l'entreprise que de la tenter en interne.

Depuis les ordonnances et la loi sur le renforcement du dialogue social, ils peuvent, à condition d'avoir un dialogue social de qualité, négocier dans l'entreprise une flexibilité interne. De ce fait, le recours excessif à la précarité externe ne nous semble plus justifié du point de vue économique, ce qui a des effets importants en matière sociale.

J'ajoute un chiffre à ceux que j'ai déjà cités : 70 % des CDD s'effectuent chez le même employeur. Quand un employeur emploie quelqu'un à 70 % de son temps et de manière répétitive, malgré quelques interruptions, on peut presque parler de sa part d'un besoin permanent. Il ne doit donc pas externaliser complètement cette précarité.

Cela me semble important, car comment nos concitoyens au chômage pourraient-ils se projeter dans l'avenir, louer un appartement, emprunter, organiser leur vie s'ils restent dans une précarité permanente ? Nous considérons par conséquent qu'il faut responsabiliser les employeurs. Nous avons déjà parlé du bonus-malus. Dans le même secteur, pour la même activité, des entreprises concurrentes recourent de manière importante aux CDD et aux contrats par intérim ; d'autres, beaucoup moins. Tout n'est donc pas lié à l'activité. Il faut prendre en compte les choix de ressources humaines.

En quoi cela concerne-il les partenaires sociaux et l'État ? La précarité, les CDD, l'intérim permanent ne coûtent pas moins de 8 milliards par an à l'assurance chômage. Cela signifie que les entreprises qui recourent d 'avantage à l'emploi permanent et durable paient pour les autres. Le régime assurantiel, c'est bien ; mais certaines entreprises apprécieraient que celui-ci soit plus juste, qu'il encourage celles qui optent pour l'emploi durable et qu'il ne fasse pas payer aux unes le coût de la flexibilité des autres.

Un troisième élément concerne les règles d'incitation au retour vers l'emploi. Il existe aujourd'hui, au sein de l'UNÉDIC, beaucoup de règles, dont certaines sont complexes. Elles ont un effet qui n'a été voulu par personne et qui cependant a été mesuré : elles découragent le retour à l'emploi, qui se traduirait pour certains par une perte de revenu. Il faut évidemment que le travail paie. On ne peut attendre d'un demandeur d'emploi qu'il perde de l'argent en recommençant à travailler. La prime d'activité ne suffit pas à limiter cet effet pervers. Il faut aussi reconsidérer certaines règles.

Enfin, il faut poser la question du chômage de longue durée. Avec le plan d'investissement compétences et le compte personnel de formation, nous allons tout faire pour que le plus grand nombre de chômeurs, notamment de longue durée, profite du train de la croissance pour revenir vers l'emploi.

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