Encore une fois, je souhaite que l'on s'entende. Je suis, comme vous, pour une politique inclusive, pour que les entreprises puissent employer le maximum de travailleurs handicapés à travers l'emploi direct, à chaque fois que cela est possible. C'est une politique vers laquelle nous devons tous tendre, sur laquelle nous devons travailler. Elle n'est pas facile mais elle est extrêmement importante : les personnes en situation de handicap ont autant le droit de travailler en milieu ordinaire que toute autre personne et nous devons tout faire pour cela. De la même manière, je suis pour l'inclusion du maximum d'enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire, à chaque fois que cela est possible.
Malheureusement, il est des situations dans lesquelles cela ne sera jamais possible, et personne ne peut le nier. Je suis, depuis environ dix-huit ans, administrateur d'un ESAT pour malades mentaux, c'est-à-dire des personnes ayant, à un moment ou à un autre de leur vie, été victimes d'une dépression et d'une déficience mentale. Si elles ne se trouvent pas en milieu protégé, elles sont capables de commettre certains actes – attenter à leur vie, par exemple – , comme cela arrive malheureusement encore trop souvent. Si ces personnes n'avaient pas pu être accueillies dans l'ESAT que nous avons créé, elles seraient en hôpital psychiatrique et coûteraient beaucoup plus cher à la société !
Dans cet ESAT, lors de chaque réunion du conseil d'administration, nous travaillons pour identifier – sur la base d'avis médicaux, car nous ne sommes pas censés le connaître et ce n'est pas notre métier – les personnes dont nous pensons que leur état médical leur permet de travailler, et nous faisons tout pour essayer de les insérer dans les entreprises. Parfois, ce n'est que temporaire, et les personnes reviennent ensuite en ESAT car, malheureusement, l'insertion n'est pas possible pour toutes.
Pour ces personnes, les ESAT jouent un rôle essentiel, extrêmement protecteur, cela grâce aux marchés que les entreprises qui n'atteignent pas leur taux de travailleurs handicapés en emploi direct leur confient, parce qu'elles peuvent déduire le montant de ces marchés. Demain, vous priverez les ESAT à la fois de ce travail et de cette ressource. J'ai peur que vous ne les mettiez ainsi en situation extrêmement difficile, alors qu'elle n'est déjà pas toujours facile. Il faut donc continuer à permettre aux entreprises de confier des marchés aux ESAT et de déduire ces marchés de leur obligation de recruter des travailleurs handicapés en emploi direct, sinon la situation des ESAT deviendra extrêmement compliquée. Nous avons reçu récemment les directeurs d'ESAT : je peux vous assurer qu'ils sont extrêmement inquiets de cette situation.