Au terme de nos débats, qui ont été riches d'arguments développés par les uns et les autres, riches de la diversité des amendements proposés pour améliorer le texte, le sentiment qui domine, pour notre groupe, reste néanmoins celui d'une occasion manquée.
Nous aurions pu, en effet, saisir cette occasion pour construire une grande réforme de la formation professionnelle, parce que l'enjeu en vaut la peine. L'enjeu est de faciliter l'accès à la formation de tous les salariés, notamment des plus fragiles, celles et ceux qui en ont le plus besoin. L'enjeu est de concevoir la période de formation comme un élément à part entière du parcours professionnel, qui en favorise la fluidité, qui le consolide, soit en validant les acquis de l'expérience, soit en permettant l'acquisition de nouveaux savoirs, de nouvelles compétences. L'enjeu est de créer, chez chaque salarié, un « réflexe formation », sachant que les métiers sont en évolution constante et de plus en plus rapide, à l'heure de la révolution numérique.
Pour relever ces défis, nous avons besoin d'un système de formation professionnelle beaucoup plus agile qu'il ne l'est actuellement, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation continue. Nous avons besoin d'un système capable d'anticiper les évolutions des métiers et les besoins des entreprises, de saisir la transformation du tissu économique des territoires, de mesurer les changements à venir sur le marché du travail en général ou dans un domaine particulier et d'évaluer les implications de ces évolutions sur les ressources humaines, au plus près des bassins d'emploi.
Nous vous rejoignons sur votre choix de donner davantage de responsabilités aux branches professionnelles, en ce qui concerne tant l'apprentissage que la formation professionnelle continue. Mais, fondamentalement, cette réforme ne peut avancer rapidement que sur ses deux jambes. Or votre projet de loi tient trop peu compte des territoires, en particulier des régions, en tant qu'acteurs déterminants de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
En dépit de nos arguments, vous avez refusé nos amendements qui visaient à redonner aux régions un rôle soit dans l'estimation et la définition des besoins de formation, soit dans la coordination des acteurs de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Vous avez même rejeté un amendement de conciliation qui, sans remettre en cause les autres aspects de votre réforme, aurait permis un copilotage de l'apprentissage par les branches professionnelles et les régions.
Seule satisfaction, mais elle est modeste, à moins que ce ne soit un lot de consolation : l'adoption par notre assemblée d'un amendement prévoyant l'audition du directeur général de France compétences avant sa nomination et durant l'exercice de ses fonctions.
Alors que notre groupe est, par nature, historiquement attaché à la décentralisation, au principe de subsidiarité et à la prise de responsabilités par les territoires au plus près des attentes de nos concitoyens, vous présentez, chose inédite, un texte qui s'inscrit à rebours de ce mouvement et retire des responsabilités aux acteurs des territoires.
Par ailleurs, on ne peut que regretter que le projet de loi ne prenne pas davantage en compte la situation spécifique des salariés ou demandeurs d'emploi atteints d'un handicap, pour qui les formations restent trop souvent inaccessibles, et qui ont besoin d'un accompagnement adapté. Il convient de prendre en compte la diversité de leurs situations.
Notre abstention en première lecture laissait la porte ouverte à la discussion et à une approche constructive. En nouvelle lecture, malheureusement, nous n'avons pas décelé d'approche de cette nature de la part du Gouvernement et de la majorité. C'est donc à regret, au regard de l'importance de la formation professionnelle pour la sécurité des périodes de transition professionnelle et la continuité des parcours des salariés, que notre groupe votera contre ce projet de loi.