Notre but est simple : moderniser le droit d'asile et le droit des étrangers pour faire face à la gravité des exodes migratoires auxquels l'Europe et la France sont confrontés.
Gravité pour les exilés d'abord. Ne l'oublions jamais, quitter son pays est toujours un déchirement, quelles que soient les causes. Gravité pour les pays de transit, pour les pays de premier accueil, et l'on sait combien la Grèce et l'Italie ont été éprouvés.
La vérité est que la pression migratoire qui s'exerce sur l'Europe a fortement diminué en 2017 et en 2018. Mais les causes profondes, elles, n'ont pas disparu. Ce sont les conflits armés, les guerres civiles, les actes et les mouvements terroristes. Ce sont les déséquilibres démographiques et de richesses, en particulier en Afrique subsaharienne, qui font de la question migratoire pas simplement un enjeu pour le passé récent ou pour le présent, mais un défi pour le futur.
Le rôle de l'exécutif et de sa majorité parlementaire, c'est de relever ce défi, avec d'autant plus de sérénité, d'autant plus de responsabilité, que toutes les questions qui touchent à l'immigration, quelque forme que prenne cette dernière, ne manquent jamais de provoquer des polémiques stériles – souvent surjouées – qui empêchent de régler les problèmes qui doivent l'être.
Or la France a un rôle singulier à assumer face à la question migratoire. Singulier par ses liens – anciens, complexes – avec le continent africain. Singulier parce que la France est le pays de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et que cela nous oblige plus que d'autres nations.
C'est la raison pour laquelle la part que prend la France dans la question migratoire ne se limite pas à l'examen du projet de loi dont nous débattons.
Le rôle de la France, c'est la recherche d'une réponse collective. Le Président de la République a pris des initiatives fortes en plaidant pour une agence européenne de l'asile, donc une réforme du règlement Dublin III, avec la création de centres d'accueil et de transit pour les exilés économiques et les réfugiés.
Le rôle de la France, c'est aussi d'être aux côtés des pays qui font face aux foyers de déstabilisation pour la sécurisation humanitaire des populations et pour la sûreté des États concernés. Notre pays, en engageant ses forces armées, et donc une partie substantielle de sa richesse nationale, y contribue plus qu'aucun autre État membre de l'Union européenne.
Le projet de loi dont nous allons discuter dans cette nouvelle lecture a pu être critiqué – il est normal que le débat se fasse – , mais il a plus souvent encore été caricaturé, parfois jusqu'à l'outrance. Nous l'avons constaté il y a encore quelques instants en entendant nos collègues de La France insoumise.
Signe-t-il la régression des droits accordés aux ressortissants en situation irrégulière ? En rien. Réduire les délais de traitement comme d'éloignement, qui sont parmi les plus longs d'Europe, n'est pas une atteinte aux droits. Nous le démontrerons.
La France renonce-t-elle à assumer ses obligations conventionnelles et constitutionnelles envers les demandeurs d'asile ? En rien. Là aussi, nous le démontrerons avec force.
Mais nous assumons un choix. D'un côté, mieux armer notre pays dans la lutte contre l'immigration irrégulière et contre les réseaux criminels qui en font commerce, et y répondre avec les outils de l'État de droit, et avec eux seuls. De l'autre, apporter une réponse rapide, effective, au traitement des demandes d'asile : c'est le moins que l'on doive à ceux qui parviennent dans notre pays au terme de cette longue chaîne de l'exil marquée par les épreuves physiques et morales.
La droite sénatoriale a choisi de rompre cet équilibre, comme prise entre deux feux.
Il lui fallait tout à la fois se plier à la nouvelle ligne politique des Républicains et tenter de piéger la majorité en mimant des mesures faussement protectrices, à l'image de la rétention administrative des familles.
Cette nouvelle lecture devra donc nous permettre de réaffirmer nos choix. Nous le ferons sereinement mais fermement, sans dévier de l'objectif qui est le nôtre : refuser les politiques déclaratoires, mais réformer le droit d'asile et le droit des étrangers pour obtenir des résultats, dans la maîtrise et dans le respect du droit.