Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, nous procédons aujourd'hui à l'examen en nouvelle lecture du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
Ce projet de loi poursuit l'objectif de conjuguer un impératif d'efficacité avec un impératif d'humanité. Ce nécessaire équilibre a été souligné ces dernières semaines par de nouveaux drames humains en mer Méditerranée ou – on n'en parle pas suffisamment – des drames réguliers au large de Mayotte. Ils ne sont malheureusement pas les seuls, mais ils démontrent une fois de plus que l'enjeu migratoire est aussi un enjeu humanitaire, et qu'il n'attend pas.
De nombreux déplacements auprès des acteurs de terrain m'ont par ailleurs permis de constater des délais d'attente trop longs, des procédures complexes, et tant d'obstacles sur le chemin de l'intégration. Celle-ci, quand elle est réussie, se fait pourtant au bénéfice de tous.
Ne rien faire, aujourd'hui, ce serait nous contenter de cet échec collectif.
Le texte voté en avril par l'Assemblée nationale, largement enrichi par les travaux des commissions, comportait des avancées concrètes.
Il nous appartient aujourd'hui de poursuivre ce travail pour construire une politique d'accueil et d'intégration qui place la barre haut, alors que l'examen par le Sénat a débouché sur un texte globalement raidi.
La majorité sénatoriale de droite est notamment revenue sur une avancée importante que nous avions fait adopter pour mieux encadrer ce que l'on appelle le « délit de solidarité ». Je le redis ici : la solidarité n'est pas un délit, et c'était bien là le sens de la mesure que nous avions introduite en première lecture à l'initiative de certains députés de la majorité.
Le Conseil constitutionnel a depuis donné raison à notre ambition, en consacrant le « principe de fraternité » dans sa décision du 6 juillet, et en considérant qu'il en découlait « la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. »
Il était de notre responsabilité, après sa suppression par le Sénat, de rétablir cette disposition, et c'est ce que nous avons fait.
Non contente d'avoir détricoté de manière quasi-chirurgicale les autres avancées permises par le travail des députés, comme la possibilité de travailler au bout de six mois pour les demandeurs d'asile ou celle de faciliter l'accès à l'apprentissage des mineurs isolés, la majorité de droite du Sénat a voulu restreindre l'aide médicale d'État, instaurer des quotas annuels d'étrangers ou encore supprimer les cartes pluriannuelles de séjour.
Sur tous ces sujets, la majorité présidentielle a pris ses responsabilités en rééquilibrant fortement le texte.
Mes chers collègues, nous ne réglerons pas l'enjeu migratoire en érigeant des murs à nos frontières et en encourageant une suspicion généralisée à l'égard des migrants. Nous ne le réglerons pas non plus en prétendant que les frontières n'ont pas lieu d'être, et en faisant fi des réalités opérationnelles et migratoires auxquelles se confronte notre pays.
La France doit jouer son rôle, en protégeant ceux qui sont en besoin manifeste de protection, en se donnant les moyens de les intégrer efficacement, et en étant le moteur d'une réponse forcément européenne à la question migratoire.
Ces derniers mois, une dynamique nouvelle a été enclenchée en Europe à l'initiative de la France.
Un accord européen a été conclu. Bien sûr, il ne résout pas tout, mais c'est une avancée encourageante, qui doit en appeler d'autres, notamment une révision prochaine du règlement de Dublin.
Sur ce projet de loi, le passage en commission la semaine dernière a permis de marquer des points supplémentaires, en confirmant notamment le retour à un délai de trente jours pour les demandes de recours devant la CNDA.
Je salue ces avancées, qui étaient nécessaires et dont nous devons nous réjouir. Il reste cependant des points sur lesquels nous devons continuer à avancer, dans le cadre de l'examen de ce texte, mais aussi à plus large horizon.
Je pense bien sûr, en premier lieu, à la question insupportable de la rétention des mineurs. Sur ce sujet complexe, je ne tomberai pas dans la facilité d'un discours démagogique et moralisateur. La situation doit changer, mais elle appelle des réponses sérieuses et adaptées.
La loi n'a pas vocation à être incantatoire, mais à être cohérente et appliquée. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État, nous avons engagé un travail pour déposer une proposition de loi à la fin de l'année sur ce sujet. J'y tiens aussi, et vous pouvez compter sur moi pour m'y investir pleinement.
De la même manière, vous pouvez compter sur mon engagement le plus entier pour apporter des réponses aux enjeux importants soulevés par la situation des mineurs isolés. Cette question relève de la protection de l'enfance avant de relever de l'asile et de l'immigration. Elle n'a donc pas vocation à être au coeur de ce texte.
Ces préoccupations, je le sais, sont largement partagées sur ces bancs, et la majorité est mobilisée pour y répondre.
Faire honneur à la tradition et aux valeurs humanistes de notre pays tout en répondant aux enjeux posés par le défi migratoire n'est pas une option. Se passer de nombreuses mesures et avancées incluses dans ce projet de loi n'en est pas une non plus.
La tribune politique que s'offrent certains membres de l'opposition ce soir, en lieu et place d'un débat et de propositions nouvelles, montre bien qu'ils n'ont pas saisi la mesure de ce qui est en jeu. Nous, nous sommes au travail, et nous entendons continuer l'examen de ce texte, avec le même sérieux et la même exigence.