Je suis chef de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), un service de renseignement et de police judiciaire, mais je m'exprimerai aujourd'hui avant tout en tant que chef d'un service de renseignement intérieur, afin d'évoquer avec vous l'impact du Brexit sur l'activité de renseignement intérieur, et notamment sur l'échange d'informations dans le cadre de coopérations diverses.
En amont de l'action policière et judiciaire – dite d'entrave ou de recherche d'auteurs d'infractions –, la lutte contre le terrorisme passe évidemment par le développement d'une politique active de renseignement, qui constitue une arme majeure en termes de prévention et prépare le terrain en vue des futures actions de judiciarisation. En matière de renseignement intérieur, les dispositifs existants de coopération et d'échange d'informations entre les États se situent hors du champ de compétence des traités. Nous avons des dispositifs d'échange avec les services de renseignement intérieur du monde entier – nous comptons plus de 160 liaisons étrangères – et je pourrais presque parler au nom du directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), qui a les mêmes contacts, mais avec des services différents même si certains services ont une compétence à la fois intérieure et extérieure.
Tous ces échanges intergouvernementaux s'effectuent dans le cadre de relations tantôt bilatérales, tantôt multilatérales.
Avec le Royaume-Uni, nous avons d'abord des échanges bilatéraux : la DGSI est en relation avec le MI5 et la DGSE avec le MI6, afin de procéder à des échanges bilatéraux réguliers d'informations en matière de terrorisme, ces échanges pouvant porter sur des analyses, des objectifs, ou des renseignements se trouvant en notre possession. Le partenaire britannique est bien sûr un partenaire de très grande qualité, qui nous fournit de précieuses informations, notamment grâce aux moyens techniques dont il dispose – l'inverse est également vrai. Dans ce cadre bilatéral, le Brexit n'aura absolument aucun impact sur l'échange d'informations : il n'y a aucune raison pour qu'il cesse, comme ces échanges ont lieu tous les jours avec un très grand nombre de pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne.
Pour ce qui est des échanges se faisant dans un cadre multilatéral, il existe à l'échelle de l'Union européenne une coopération entre les services de renseignement intérieur des États membres, mais pas seulement : la Norvège et la Suisse sont également associées à ce dispositif multilatéral appelé Club de Berne. Au sein de ce dispositif, le groupe antiterroriste (GAT) réunit les responsables des unités de lutte antiterroriste des mêmes États, à savoir tous les États membres de l'Union européenne, plus la Norvège et la Suisse. Les échanges d'informations se font dans un cadre intergouvernemental, sans lien avec les traités ou avec les dispositifs de l'Union européenne, et de manière permanente, par le biais d'une base de données située aux Pays-Bas. Le Royaume-Uni participe à cette coopération et en est même l'un des acteurs principaux en termes de moyens humains et en termes financiers. Là encore, le Brexit n'aura absolument aucun impact sur le fonctionnement de ce dispositif.
Lors de la dernière réunion du GAT, qui s'est tenue en Bulgarie, le directeur du MI5 a rappelé les demandes du Royaume-Uni en matière de maintien d'un certain nombre de dispositifs – mais il les a rappelées pour mémoire, en demandant l'appui de ses collègues en matière de renseignement intérieur. Nous en avons pris bonne note et avons fait remonter ces demandes, qui sont connues et traitées, notamment par la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et par d'autres directions. Comme il l'avait déjà fait par le passé, Andrew Parker a insisté sur un certain nombre de dispositifs que le Royaume-Uni tient à voir maintenus, notamment le Système d'information Schengen (SIS) ou encore le mandat d'arrêt européen. Par ailleurs, il souhaite conserver la passerelle qui existe entre les services de renseignement intérieur et l'Union européenne sous la forme de l'Intelligence Centre (INTCEN) : en tant que service de renseignement intérieur, nous ne nous sommes pas prononcés sur cette demande, dont nous avons simplement pris acte.
En résumé, le Brexit ne constitue pas une véritable problématique pour nous : en matière de renseignement – intérieur et extérieur, j'insiste sur ce point –, le Royaume-Uni est et restera un partenaire important.