Intervention de Aurélien Clavel

Réunion du mardi 3 juillet 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Aurélien Clavel, vice-président de Jeunes Agriculteurs (JA) :

Je suis agriculteur dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, plus précisément dans le département de l'Isère, où je produis, en agriculture biologique, du lait dans le cadre de l'indication géographique protégée (IGP) Saint-Marcellin, ainsi que des céréales, des noix, des noisettes et de la bière. Je participe à un GAEC qui comprend trois associés.

Les agriculteurs répondent à différents marchés, qui vont de la vente directe jusqu'aux marchés mondiaux de produits substituables, auxquels, du reste, on associe trop souvent l'agriculture. Ainsi, vous avez dit, monsieur le président, que les agriculteurs étaient des fournisseurs de matières premières. Nous souhaitons sortir de ce modèle et faire évoluer les choses. Jeunes Agriculteurs défend, comme d'autres, l'agriculture de type familial, dans laquelle les hommes et les femmes sont au coeur de l'exploitation. Nous croyons important de viser les marchés qui ont la triple performance « prix, social et environnement », qu'ils soient mondiaux ou de proximité, pour valoriser le savoir-faire français.

Nous avons souhaité exprimer cette volonté lors des EGA, notamment dans le cadre des plans de filières, afin de maintenir le nombre des paysans. Je parle de ces marchés parce que les sociologues disent souvent que jamais l'alimentation n'a été aussi sûre et que jamais le consommateur n'a demandé autant de garanties sur l'alimentation. De fait, des barrières ont été dressées entre l'acte de production et l'acte de consommation par les industriels ou les distributeurs, si bien que le consommateur ne sait plus ce qu'il y a derrière le produit qu'il consomme. On vend davantage une innovation ou un savoir-faire industriel qu'une denrée agricole et la façon dont elle est produite.

Nous avons donc demandé la conclusion, sous l'égide des pouvoirs publics, d'un pacte alimentaire qui permettrait de réunir autour de la table les interprofessions, qui représentent les différents maillons de la production, les producteurs, les consommateurs et les politiques pour définir les grandes orientations de la production alimentaire. En effet, les industriels sont là aussi pour répondre à la demande du consommateur, à laquelle ils s'adaptent, en tenant compte de l'agriculture pratiquée sur le territoire. On a beaucoup parlé, lors des États généraux, de la montée en gamme, qui permettrait de créer de la valeur, laquelle doit être mieux répartie. Pour cela, la transparence est nécessaire, dans la construction du prix comme dans la composition du produit. Lorsqu'on est agriculteur, on ne connaît parfois même pas la destination finale du produit qu'on vend à l'industriel. Un producteur laitier chez Lactalis, par exemple, ne connaît pas le « mix produit » exact de l'entreprise. Si l'on veut reprendre en main la filière ou recréer du lien entre producteurs et consommateurs, cette transparence est indispensable. À cet égard, il faut insister sur l'étiquetage et la composition du produit. Il ne faut pas noyer le consommateur sous les informations, mais certains éléments semblent indispensables, tels que l'origine du produit.

Pour obtenir cette transparence entre l'acte de production et l'acte de consommation, le consommateur est prêt à payer plus cher. On en a des exemples : je pense à la démarche « Éleveur et engagé » et à son pacte sociétal ou à la marque de lait « C'est qui le patron ? » En assurant la transparence et en éclairant le consommateur sur le produit qu'il achète, on arrive à produire une plus-value. La montée en gamme se heurte cependant à une autre problématique, celle de l'accès à cette alimentation. En effet, beaucoup trop de personnes n'ont pas les moyens de mieux manger et de sortir de la « malbouffe ».

Enfin, je souhaiterais évoquer rapidement la politique agricole commune, qui va connaître des changements importants. Pour nous, Jeunes agriculteurs, la nouvelle PAC doit être fondée sur les principes de souveraineté alimentaire et d'accès à l'alimentation.

J'ajoute que, pour garantir une alimentation saine aux consommateurs, on peut aussi imposer des interdictions. On a interdit, par exemple, aux producteurs de cerises français d'utiliser un certain insecticide mais, dans le même temps, on a continué d'importer sur le marché français des cerises traitées avec ce produit. De même, la ville de Grenoble souhaite que ses cantines soient approvisionnées exclusivement en produits biologiques, quitte à les faire venir de pays situés de l'autre côté de la Terre où est autorisé l'emploi de produits phytosanitaires qui ne sont même plus utilisés dans l'agriculture conventionnelle française ! Il faut donner du sens à tout cela. Nous avons donc besoin d'une concertation car, lorsqu'on applique des règles franco-françaises, il faut se donner les moyens de les imposer aux produits qui entrent en France.

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