Intervention de étienne Gangneron

Réunion du mardi 3 juillet 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

étienne Gangneron, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) :

Vous nous demandez si nous pensons que le scénario « Afterres 2050 » est réalisable. Pour notre part, nous ne sommes pas sur le schéma d'une agriculture à 100 % de ceci ou cela. L'enjeu essentiel, c'est de valoriser enfin la diversité de cette agriculture française, qui existe avec son histoire, ses signes de qualité et toutes ces démarches – AOC, Label Rouge, bio – qui aujourd'hui sont malheureusement très peu connues des consommateurs. Il ne faut pas opposer les modèles, seulement donner des revenus à tous les producteurs.

L'agriculture biologique va se développer fortement parce que c'est un secteur que les consommateurs ont compris. Aussi est-il important de continuer à développer le signe de qualité « Agriculture Biologique ». Mais on ne passe pas en agriculture biologique en claquant des doigts : la technique est extrêmement complexe. Les systèmes de polycultureélevage sont mieux armés pour se développer en agriculture biologique parce qu'ils sont plus résiliants. D'ailleurs, les deux tiers des surfaces aujourd'hui en agriculture biologique sont des surfaces fourragères. Il faut dire à ceux qui militent contre la consommation de viande que, sans élevage, il n'y aurait pratiquement pas d'agriculture biologique. Même si l'on augmentait fortement toutes les productions en agriculture biologique, cette constante des deux tiers des surfaces fourragères, qui existe depuis vingt ans, serait maintenue. En effet, et c'est une évidence technique, à chaque fois que l'on accroît le pourcentage d'agriculture biologique, on augmente les élevages et les surfaces en herbe car les adventices sont notre ennemi commun difficile à combattre. C'est un travail quotidien d'une grande complexité. Le fait d'avoir de l'élevage dans un système permet d'utiliser des surfaces en production végétale qui ne seraient pas commercialisables en raison de l'envahissement de mauvaises herbes ou de problèmes de maladie. On peut les faire consommer en fourrage, ce qui permet de réguler les rotations à travers l'interaction entre productions végétales et productions animales.

Je veux revenir sur le contrat de solutions que nous avons proposé avec beaucoup de partenaires. En définitive, il s'agit d'illustrer toute la diversité de l'agriculture française, c'est-à-dire de reprendre toutes les solutions potentielles comme le biocontrôle, qui nous permettront d'éviter d'utiliser des produits phytosanitaires qui font l'objet de préoccupations que l'on peut comprendre. Le retour des protéagineux en France doit être assorti d'une véritable recherche sur les variétés car, que l'on soit en agriculture bio ou conventionnelle, on est très démuni en termes de ressources semencières, qu'il s'agisse des féveroles, des pois ou des lupins. Nous n'avons pas en effet des variétés suffisamment adaptées pour développer cet apport de protéagineux indispensable à l'élevage français, variétés qui nous éviteraient de continuer à importer de l'alimentation OGM. L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a cessé de travailler sur les protéagineux il y a vingt-cinq ans. Son centre de Lusignan faisait beaucoup de recherches sur le lupin, mais tout travail a été arrêté et seules quelques sociétés privées continuent à en faire un peu.

La moindre utilisation des produits phytosanitaires remet les agriculteurs en situation de risque. À l'origine, ces produits avaient un rôle curatif : il s'agissait de répondre à un problème à un moment précis. Malheureusement, ils ont conduit à des dérives et des contaminations. Contrairement à ce que pensent certains, il n'y a pas de complot international autour de l'utilisation des produits phytosanitaires ou de grandes marques, mais seulement des pratiques qui ont dérivé parce qu'on n'a pas évalué dès le départ l'impact qu'ils pouvaient avoir sur la terre et les ressources en eau.

En revenir à une démarche de substitution, sans produits phytosanitaires, remet les agriculteurs en situation de risque. Aussi est-il nécessaire que les dispositifs de gestion des risques et d'accompagnement de ces nouveaux modèles soient assez solides. Dans ma région par exemple, en 2016, personne ou presque n'a récolté de protéagineux bio. Les féveroles et les pois étaient pourris sur place. Ce genre de chose est assez difficile à vendre à des agriculteurs qui voudraient s'engager dans des voies de réduction importante de produits phytosanitaires. Il faut donner de la résilience au système, ce qui passe par une juste rémunération des agriculteurs. Un agriculteur qui sait qu'il va dégager un revenu à peu près correct est plus apte à envisager toutes les transitions sur sa ferme.

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