Intervention de Alain Sambourg

Réunion du mardi 3 juillet 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Alain Sambourg, agriculteur et membre du conseil d'administration de la Coordination rurale :

Comme cela a été dit précédemment, il est plus facile de se convertir au bio quand on fait de l'élevage que de la grande culture.

On demande à un agriculteur qui fait de l'agriculture conventionnelle de produire, la banque ne regardant que le chiffre d'affaires, pas la marge, et il est formaté pour utiliser des produits phytosanitaires. Dès l'instant qu'il réfléchit à diminuer les produits phytosanitaires, il doit bénéficier d'un accompagnement technique, mais aussi psychologique.

Actuellement, comme les agriculteurs sont obligés de vendre à des coopératives ou à des négoces, ils sont soumis à une pression de ces organismes et à une pression sociétale dont il est difficile de se séparer mentalement car les voisins vous regardent, et voient que vos champs sont moins propres. Bref, la pression psychologique est forte au niveau d'un territoire.

À la Coordination rurale, nous nous sommes aperçus que le seul lien qui existe entre une agriculture conventionnelle et une agriculture bio, c'est le sol. Je pense que les services et les instituts qui accompagnent les agriculteurs devraient leur donner des informations sur la qualité des sols, sur l'équilibre entre les champignons et les bactéries, sur les mycorhizes, etc. Si les agriculteurs en prenaient conscience, on pourrait peut-être aller plus vite dans la préservation de la biodiversité des sols. Si ceux qui les entourent n'ont pas envie de communiquer aux agriculteurs ces notions, ils restent dans leur modèle conventionnel. Nous avons un centre d'études techniques agricoles (CETA) qui regroupe des agriculteurs en agriculture conventionnelle et en agriculture biologique et nous avons vu que c'est le sol qui les relie. Le microbiote du sol correspond au microbiote de l'humain ou des animaux. Si l'on fait la relation entre le sol, la qualité de l'alimentation de l'homme et celle des animaux, il y aura une prise de conscience sur la qualité du sol. En agriculture, pour changer de façon drastique les pratiques, un pas de temps de vingt ou vingt-cinq ans est nécessaire. Mais comme les produits bio ne peuvent pas être disponibles immédiatement sur le marché, il convient que l'Europe ou la France protègent ce pas de temps, sinon il faut se tourner vers des produits bio d'importation qui n'ont pas le même cahier des charges, ce qui pose problème.

Je prendrai l'exemple d'un producteur de pommes de terre du Nord de la France qui fait un traitement de contact au mancozèbe. Au mois de janvier, il a été contacté par un négociant allemand qui lui a demandé de lui livrer des pommes de terre bio. Il lui a répondu qu'il n'était pas en bio mais en conventionnel. Mais le négociant lui a dit qu'en Allemagne le mancozèbe était autorisé en bio. Et je pourrai vous citer d'autres cas particuliers comme celui-là. Au Portugal, certains produits de traitement sur les fraises sont autorisés en bio mais pas en conventionnel ! Un produit bio au Portugal ne sera pas forcément bio en France. Il y a donc une distorsion de concurrence à l'intérieur de l'Europe. Comment faire pour résoudre cette question sans la France ou l'Europe ?

Si on n'a pas développé les légumineuses et les protéagineux, c'est parce qu'on a signé des accords avec les Américains en 1990 pour importer du soja. Les conséquences d'aujourd'hui sont dues aux décisions politiques qui ont été prises dans les années quatre-vingt-dix. Si l'INRA a abandonné ses recherches sur le lupin, comme l'a dit tout à l'heure M. Gangneron, c'est parce qu'on savait qu'on allait avoir de la protéine d'importation, autrement dit qu'on n'avait plus besoin de produire de la protéine en Europe. Mais comment faire marche arrière ? Notre porte de sortie, c'est de demander des protéines qui ne soient pas OGM. D'ailleurs, au début de l'année, la Coordination rurale a analysé seize produits de producteurs français en agriculture de conservation qui utilisent du glyphosate depuis trente ou quarante ans afin de détecter la présence ou non de glyphosate et d'acide aminométhylphosphonique (AMPA). Résultat : on n'a pas trouvé de glyphosate ni d'AMPA. Nous avons fait d'autres analyses, cette fois sur du soja d'importation qu'on avait été obligé d'aller voler dans les ports de Lorient et de Saint-Nazaire. Résultat : on a trouvé la présence de glyphosate et d'AMPA. Cela signifie qu'un éleveur achète du tourteau de soja qui contient du glyphosate et de l'AMPA. Qu'est-ce qu'on attend en Europe si l'on veut une alimentation en légumineuses et protéagineux sans OGM ? Cela fait vingt ans que je fais de la féverole : il suffit de prendre de la semence fermière pour faire de la féverole. Bien sûr, on n'est pas à la pointe de la génétique puisque cela fait quarante ans que la variété que j'utilise a été mise au point.

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