Intervention de Alain Sambourg

Réunion du mardi 3 juillet 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Alain Sambourg, agriculteur et membre du conseil d'administration de la Coordination rurale :

En ce qui me concerne, je défends l'« exception agriculturelle » pour sauver les consommateurs de l'importation de produits qui, malheureusement, ne sont contrôlés ni au niveau européen ni au niveau national. Cette exception, j'y insiste, vise à protéger les consommateurs. Grâce à l'exception culturelle, on peut produire des films français. L'agriculture française a le mérite d'exister, protégeons-la ! Que veulent faire l'État, l'Europe, de notre agriculture ?

Ne doit-on évoquer que l'agroalimentaire ou bien commence-t-on à parler et à défendre des produits faits en France et respectueux d'un cahier des charges ? Depuis deux ans, ceux qui sont au SMIC rapportent plus d'argent que les exploitants agricoles : ça ne peut pas durer. Il faut donc une prise de conscience pour sauver l'agriculture française. Beaucoup d'agriculteurs vont partir à la retraite – et les pensions ne sont pas énormes – ; or s'ils réalisent leur actif, les enfants ne voulant pas reprendre l'exploitation parce que ça ne gagne pas, que faire ? Si vous aidez votre enfant à reprendre l'exploitation pour 3 000 euros par hectare alors qu'un investisseur étranger vous en donnera 12 000 ou 15 000 euros et que vous partez à la retraite avec 900 euros par mois, que faire ?

Si les exploitations étaient source de revenus, les gens ne vendraient pas leurs terres et en feraient profiter les générations suivantes. S'il n'y a pas de revenus et que la personne qui doit reprendre la ferme n'est pas intéressée pour cette raison, eh bien, il y a cession d'actifs, voilà, et c'est dramatique. Dans l'élevage, vous avez des producteurs de lait, des éleveurs de porcs, dont l'exploitation doit fermer parce qu'il n'y a pas de revenus et que les enfants ne veulent pas travailler sans revenus. Cette situation peut aussi être un cas de divorce quand la femme ne veut pas s'emmerder avec les animaux s'il n'y a pas de revenus. Cette situation pose donc des problèmes sociaux.

La défense du revenu agricole, c'est important, et si on choisit de ne pas défendre le revenu agricole, on n'a qu'à rester tourné vers l'agro-alimentaire, secteur qui se débrouillera pour avoir de la camelote dans le monde entier ; qu'on n'investisse pas dans un robot de traite ou dans une batteuse pour l'amortir en cinq ou dix ans, et qu'on dise tout de suite qu'on n'a pas besoin de l'agriculture française ou européenne puisqu'on peut obtenir ailleurs la matière première. Je ferai remarquer qu'en 1976, quand j'avais vingt-deux ans, les Américains, qui n'avaient pas fait de bonnes récoltes, ont décrété un embargo sur les exportations de soja. Que s'est-il passé ? On a fait venir des pois de je ne sais où, des féveroles, du lupin… pour pallier le manque de protéines en Europe. Cela peut recommencer ! C'est une vision à court terme mais, j'y insiste, défendons l'agriculture française, défendons l'agriculture européenne et nous défendrons l'agriculture européenne si nous lui donnons du revenu.

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