S'agissant des class actions, nous sommes en train de réfléchir avec nos avocats. Je ne suis pas juriste, mais il me semble que les associations de consommateurs agréées sont les seules autorisées à mener ce type d'actions ; c'est à vérifier. Mais si cela était confirmé, ce serait regrettable, et nous souhaiterions que ces actions puissent être étendues ; ce n'est en effet pas simplement une affaire de consommation.
Nous considérons l'alimentation comme un environnement. Qu'est-ce que l'environnement ? Tous les éléments, qui ne sont pas nous, et avec lesquels notre organisme interagit : le travail, l'air dans cette pièce, l'alimentation, etc. Donc faire une distinction entre la consommation et l'environnement nous paraît artificiel.
S'agissant du scénario « Afterres 2050 », je le connais bien, car dans une autre vie j'ai été vice-président de conseil régional, et nous avions travaillé avec la chambre d'agriculture pour tenter de modéliser régionalement le scénario. Il était d'ailleurs intéressant de réunir tout le monde autour de la table pour mener une réflexion prospective.
Je pense que nous pouvons, à terme, convertir l'ensemble de la culture à la culture biologique. Mais je mesure l'ampleur des freins qui existent aujourd'hui. Dans ma région, d'origine, un pour cent des cultures sont biologiques ; il reste donc 99 % des surfaces à convertir, ce qui peut prendre un certain temps ! Mais le potentiel est là, des rapports d'autorités scientifiques et de l'Organisation des Nations unies (ONU) ont été élaborés dans cette direction. Ce sont des rapports très intéressants, car ils combattent une idée reçue, très centrée sur les pays dits développés. Dans nos pays, passer du système intensif, qui dépend beaucoup du pétrole, à une agriculture bio entraîne une baisse de rendement plus ou moins importante – ce qui n'est pas la même chose qu'une baisse de rentabilité. Et il est faux de penser que si les pays développés changeaient de système, le reste du monde suivrait. On compte dans le monde un grand nombre de petites exploitations agricoles qui n'ont pas les moyens financiers d'avoir une machinerie lourde, des engrais et des pesticides de synthèse. Or ce sont ces petits paysans dont il est question, et que nous devons préserver absolument.
Passer à une agriculture biologique bien maîtrisée techniquement veut dire augmenter les rendements. C'est ce que le juriste belge Olivier De Schutter a démontré lorsqu'il était rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation. Bien formés et encadrés, ces petits paysans qui utilisent les ressources locales – ils font du compost avec du fumier, de la paille… – pourraient passer à l'agriculture bio sans problème. Les spécialistes d'agronomie africaine ont démontré que cela fonctionnait, que les ressources locales étaient capitales et qu'il était possible d'augmenter les rendements.
Une telle agriculture sera d'ailleurs décisive dans un contexte global de réchauffement climatique, où il faudra rendre les cultures beaucoup plus résistantes à la sécheresse, notamment en ouvrant les sols et en augmentant les taux d'humus. Ce ne sont pas des valises de dollars qui aideront ces agriculteurs à faire une agriculture chimique, comme nous la pratiquons.
Dans ces pays, où la famine sévit, nous avons le potentiel, avec l'agriculture biologique, de maintenir, voire d'augmenter les productions. Le problème est que nous projetons nos modèles occidentaux sur ces pays.
L'objectif, en France et en Europe, c'est plutôt d'augmenter la valeur ajoutée pour les agriculteurs tout en protégeant l'environnement et la santé ; or cela passe par la qualité environnementale et sanitaire.