Ce 1er mai était-il exceptionnel ? Oui, bien sûr, je l'ai dit tout à l'heure.
Par le contexte d'abord : dix jours plus tôt, il y avait eu une manifestation à Nantes, en soutien à Notre-Dame-des-Landes, qui s'était conclue par de violents affrontements. À l'époque, on pensait d'ailleurs que c'était plutôt là qu'il fallait prévenir d'éventuels troubles à l'ordre public, et nous avions donc envoyé des forces relativement nombreuses à Nantes. On était après l'évacuation de Tolbiac, dont vous vous souvenez dans quelles conditions elle a eu lieu. Qui plus est, une fable avait été inventée : une jeune femme affirmait qu'elle avait vu, de ses propres yeux, quelqu'un se faire massacrer par les policiers. On s'est aperçu, quelque temps après, qu'il s'agissait d'une légende, de fake news, et qu'il n'y avait jamais eu un tel événement : la personne en question elle-même avait fini par le confirmer. Il y avait alors un mouvement inouï de violence contre les policiers. Les tracts qui étaient diffusés n'étaient pas totalement anodins. Je vous rappelle que l'année précédente, déjà, des forces de l'ordre avaient été prises pour cibles et transformées en torches vivantes.
Alors oui, nous pensions qu'un certain nombre de gens venant de l'ultra-ultra-gauche chercheraient à faire dégénérer la manifestation. Nous les avions un peu sous-estimés : nous nous attentions à 700 ou 800 personnes. En fait, il y en a eu 1 200, qui sont arrivés en quelques minutes au sein du bloc avant – c'était la première fois que l'on voyait cela. La consigne donnée aux forces de l'ordre était surtout d'essayer d'éviter qu'il y ait des blessés parmi elles, mais aussi parmi les manifestants.
Le bilan matériel est conséquent : trente commerces dégradés, dont trois sérieusement, six véhicules détruits et dix endommagés, et beaucoup de mobilier urbain fortement dégradé. Sur le plan judiciaire, il y a eu 276 personnes interpellées et 109 gardes à vue. Mais le fait exceptionnel pour une manifestation de cette ampleur et de cette violence, qu'il y a eu très peu de blessés : on a dénombré, après la manifestation du 1er mai, quatre blessés très légers, dont un parmi les forces de l'ordre. C'était pour nous le premier résultat à obtenir.