Intervention de Antoine Dulin

Réunion du mercredi 4 juillet 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Antoine Dulin, rapporteur de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l'enfance :

Je répondrai en préalable à la question de M. Christophe sur les jeunes en situation de handicap. Qu'a-t-on vu et que préconise-t-on en lien avec les structures de l'aide sociale à l'enfance ? Je vous le dis franchement, j'ai été particulièrement étonné des difficultés de dialogue et de coordination entre maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et acteurs de la prise en charge du handicap d'un côté et, de l'autre, services en charge de la protection de l'enfance.

La législation n'est en la matière pas d'une grande utilité. Ce défaut de coordination dans les départements entre les acteurs, voire entre les élus, et l'incapacité à trouver des réponses globales pour ces jeunes pose question et nuit à la qualité des prises en charge.

Dans ce cadre, certaines expériences sont particulièrement positives. Ainsi, les référents « aide sociale à l'enfance » présents dans certaines MDPH viennent en soutien des jeunes détectés, de leurs parents ou des établissements dans leurs démarches.

Pour les jeunes majeurs, à 20 ans, l'articulation entre l'allocation adulte handicapée (AAH) et le contrat jeune majeur est plus ou moins bien traitée selon les départements. La question va assez vite se poser au niveau national et pourrait être traitée dans le cadre de l'examen de la proposition de loi.

Enfin, certaines structures ont des fiches de liaison entre les acteurs de la sphère du handicap et ceux de l'aide sociale à l'enfance. L'idée peut paraître simple, mais elle est encore assez peu répandue. Elle évite les ruptures dont a parlé Mme Wonner. Je ne connais pas l'exemple du Bas-Rhin ; je ne pourrai donc pas le commenter. Mais effectivement, certains départements – encore trop peu nombreux – ont adopté des pratiques vertueuses, notamment pour les jeunes majeurs, en proposant une prise en charge jusqu'à 25 ans. C'est notamment le cas de la Loire-Atlantique et de la Meurthe-et-Moselle, mais ces exemples sont trop rares.

Ces bonnes pratiques pourraient être plus largement partagées. Comment ? Le Conseil national de la protection de l'enfance, instance de coordination interministérielle, pourrait probablement être le pilote de la politique nationale de protection de l'enfance, en lien avec les départements.

Par ailleurs – il s'agit de mon opinion personnelle et non de celle du CESE –, il faudrait peut-être réfléchir à la fusion de l'Agence française de l'adoption avec le groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED). Une agence de protection de l'enfance pourrait les remplacer, dont la gouvernance serait partagée entre les départements et l'État. Mieux coordonner les forces serait gage d'efficacité.

Les référentiels dont vous avez parlé, Madame Vanceunebrock-Mialon, font partie des bonnes pratiques. Bâti par les travailleurs sociaux, le référentiel de diagnostic des situations familiales préoccupantes a été élaboré par le centre régional pour l'enfance et l'adolescence inadaptée (CREAI) de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais il n'est partagé que par vingt-cinq départements : tous les autres ont chacun leur propre référentiel, ce qui accentue les inégalités entre départements, tout en bloquant le suivi et les partenariats.

Nous proposons donc que le Conseil national de la protection de l'enfance élabore un référentiel national unique, qui serait ensuite déployé dans les départements, avec éventuellement une incitation du fonds national de péréquation, traduisant l'enggement financier de l'État, en réponse à l'engagement vertueux des départements.

Nous l'avons constaté dans les pays d'Europe de l'Est, des référentiels très intéressants impliquent à la fois les jeunes et les familles dans l'évaluation de leur situation, et non uniquement le travailleur social en tant qu'observateur et prescripteur.

L'aide à domicile est souvent mal vécue par les familles, vous y avez fait référence, Monsieur Ramadier. En effet, certaines familles dans lesquelles il n'y pas de risques de maltraitance se voient retirer leurs enfants car elles sont en grande précarité, vivant par exemple dans une chambre d'hôtel avec trois enfants, en situation de monoparentalité. Même si c'était moi, c'est-à-dire un homme au sein d'une famille monoparentale, je ne suis pas sûr que je parviendrais à assumer mes responsabilités.

Au-delà du placement, nous devons nous interroger sur les actions à mener auprès des familles pour leur permettre de sortir de la pauvreté et d'être accueillies dans des structures de droit commun.

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