La PAC est fondée sur un équilibre entre deux exigences : d'un côté, la définition d'une politique véritablement commune à tous les États membres, incarnée par le premier pilier qui est celui des aides directes et représente 70 % du budget de la PAC, d'un autre, la nécessaire flexibilité, incarnée par le second pilier qui est celui d'une PAC plus « à la carte », les États membres ayant toute latitude pour sélectionner les types d'action qu'ils envisagent de soutenir dans le cadre du développement rural. Nous tenons à affirmer que nous ne sommes pas opposés à une marge d'adaptation locale substantielle pour les États membres, notamment pour tenir compte des spécificités territoriales et des filières. Les États ont indéniablement des besoins différents en matière agricole et la PAC doit pouvoir y répondre. Il est nécessaire de préciser ce point et ce sera le sens d'un amendement que nous proposerons. Toutefois, notre proposition de résolution met en garde contre le risque d'un déséquilibre trop important au détriment du niveau européen, pouvant aboutit à une renationalisation de la PAC.
En outre, la Commission européenne justifie ce projet par l'exigence de simplification et de rationalisation de PAC. Or, si nous partageons pleinement ces objectifs tout à fait nécessaires, il apparaît que cette simplification ne vaudrait que pour les instances européennes, car ce projet opérerait un important transfert de charges vers les administrations nationales. Cette velléité simplificatrice conduirait également à brouiller la structure en deux piliers de la PAC, puisque la possibilité d'adaptation locale atteindrait aussi le premier pilier, que la réforme de 2013 avait déjà commencé à remettre en cause. La simplification, qui est nécessaire et attendue par les agriculteurs européens, ne doit pas, selon nous, se faire au détriment de l'intégration et de l'efficacité de cette politique à l'échelle européenne, ce qui nous semble ici être le cas.
Cette réforme pourrait également avoir pour conséquence de créer des distorsions de concurrence entre les États membres. En effet, les plans stratégiques de chaque État pourraient cibler certaines filières clés pour espérer affaiblir les filières des autres États membres. Ce projet ferait alors entrer l'Union européenne dans un cercle vicieux non-collaboratif en matière agricole. Or, nous considérons que la compétition intra-européenne ne serait pas bénéfique aux agriculteurs du continent, alors que le véritable enjeu est de rivaliser avec les autres grandes puissances agricoles qui investissent toujours plus dans ce domaine.