Intervention de Patrick Dehaumont

Réunion du mardi 10 juillet 2018 à 11h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs, je commencerai par préciser le champ de la direction générale de l'alimentation, ce qui me permettra de répondre à l'une de vos questions.

La DGAL est une direction du ministère de l'agriculture, une direction très régalienne, en charge de la conception de dispositions applicables aux professionnels de l'agroalimentaire et, au-delà, à des professionnels du secteur de la production végétale, de la production animale ou à des professionnels de sujets aussi variés que le bien-être animal.

Cette direction régalienne est en charge de l'élaboration des dispositions réglementaires et de missions de contrôle. Je précise que la DGAL n'a pas la double mission de tutelle des industries agroalimentaires et de contrôles officiels. Elle est très centrée sur le contrôle officiel. Je tiens à le réaffirmer haut et fort.

Lorsque la DGAL a été créée, il y a un certain nombre d'années, la direction des industries agricoles et alimentaires (DIAA) en était l'une des sections. Mais, pour des raisons évidentes de conflit d'intérêts, cette partie a été transférée à ce qui est aujourd'hui la direction générale des entreprises (DGE). Ainsi, notre ADN est-il véritablement resté centré sur l'inspection sanitaire.

Cette dimension sanitaire couvre un champ assez large. La DGAL est soucieuse de mettre à disposition des citoyens une alimentation saine, sûre et durable, et les contrôles sanitaires dont elle a la charge portent sur l'ensemble de la chaîne alimentaire, ce qui recouvre des sujets aussi variés que la production végétale, la production animale – y compris le bien-être animal –, la sécurité sanitaire des aliments et de nombreuses interactions avec les aspects de durabilité et environnementaux, par exemple. Elle s'occupe notamment des produits phytosanitaires et de leurs impacts.

Elle est également amenée à travailler très fréquemment dans un cadre interministériel avec la direction générale de la santé, ce que les crises récentes ont mis en évidence, et avec la DGCCRF, sachant qu'il existe des zones de recouvrement de compétences et des zones de compétences spécifiques, la DGAL étant fortement centrée sur la dimension sanitaire.

Autour de ces missions de contrôle sanitaire, nous sommes amenés à piloter des politiques incitatives, qui ne sont pas pour autant des politiques de soutien direct aux filières ou aux industries communautaires. Je citerai le programme « Écophyto » limitant l'usage des produits phytosanitaires, le programme « ÉcoAntibio » limitant l'usage des antibiotiques en médecine animale, ou encore le Programme national pour l'alimentation (PNA).

Pour accomplir ces missions, nous disposons de moyens d'administration centrale et des services déconcentrés. Au niveau central, nous travaillons avec les acteurs internationaux et européens.

Par essence, les dispositions françaises dans le domaine de la sécurité sanitaire procèdent essentiellement du niveau européen. Des dispositions conçues aux niveaux européen et international sont validées par le Gouvernement pour être applicables en droit français. Ensuite, la direction centrale interagit sur le terrain avec ses services de contrôle, les directions départementales de la protection des populations (DDPP) et une partie des directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF) qui interviennent en régions – plutôt dans le domaine végétal.

Pour effectuer ce travail, la direction centrale dispose de 200 à 220 personnes et les services déconcentrés de 4 600 agents, répartis entre des missions de gestion administrative et, principalement, des missions d'inspection et de contrôle, puisque nous contrôlons des secteurs aussi variés que la production végétale – un secteur dont nous partageons la responsabilité avec la DGCCRF qui contrôle la distribution – ou le domaine sanitaire animal, que nous contrôlons de l'amont à l'aval, de l'abattoir jusqu'à la remise directe. Tel est le schéma en place. Nous pourrons vous fournir des éléments chiffrés détaillés si vous le souhaitez.

J'insiste fortement sur cette notion de missions régaliennes et de missions d'inspection sur lesquelles portait l'une des remarques de la Cour des comptes dans son rapport de 2012, sachant qu'une mission de la Cour des comptes est en cours, dont le rapport final sera publié en septembre-octobre. Il dressera le bilan de la situation actuelle, notamment du suivi du rapport de la Cour, dont la question centrale portait sur la suite donnée aux inspections. Nous nous référerons à l'avis de la Cour des comptes à la rentrée, de la même façon que, depuis 2012, nous avons mis en place un ensemble de procédures et mobilisé nos équipes pour qu'elles portent la plus grande attention possible aux suites des inspections. La gradation des décisions est fonction de l'écart entre, d'une part, les faits et les situations constatées et, d'autre part, les exigences sanitaires réglementaires. L'écart peut donner lieu à diverses décisions allant de la simple remarque jusqu'à la fermeture d'un établissement, en passant par l'avertissement et le procès-verbal.

Les suites données aux inspections s'opèrent donc selon une gradation des décisions. Ce sont là des indicateurs que nous suivons avec précision auprès de nos services et en fonction de notre système d'information pour nous assurer qu'il est donné suite, comme il se doit, aux inspections dans des conditions prédéfinies à l'échelon national. Nous pourrons vous fournir, si vous le souhaitez, des éléments précis et chiffrés sur ce sujet.

Nous nous appuyons sur des équipes présentes sur le terrain, car tel est le rôle fondamental de l'État dans le domaine sanitaire, et compétentes techniquement. Nous sommes organisés selon une chaîne de commandement qui part du niveau central jusqu'à l'acteur de terrain, en passant par les préfets dont le rôle est essentiel.

Voilà, brossée en quelques mots, l'organisation du dispositif.

En termes de méthodologie, la responsabilité de la sécurité sanitaire des produits mis sur le marché passe par l'application par les professionnels des dispositions préétablies, un concept de base au niveau européen, qui est martelé très régulièrement. Il est édicté dans le paquet « Hygiène », le paquet de règlements encadrant le dispositif de sécurité sanitaire. Il revient à l'État d'assurer sa mission régalienne de contrôle pour s'assurer que les dispositions préétablies aux niveaux législatif et réglementaire sont bien appliquées par les professionnels et que les actions correctrices sont menées si, par malheur, ces dispositions préétablies ne sont pas respectées. Une responsabilité forte revient aux professionnels et à l'État au titre de cette mission régalienne, qui me paraît devoir rester ancrée au niveau de l'État. Je crois utile de le préciser alors que l'on entend parfois parler de délégation du service public du contrôle sanitaire.

L'État doit rester très fort en la matière, et ce pour deux raisons : la sécurité sanitaire, à mon sens, ne se négocie pas. L'État doit être en capacité de l'assurer, d'offrir aux citoyens, aux consommateurs, ce qu'ils attendent, c'est-à-dire une alimentation saine et sûre.

Un second volet ne doit pas être négligé. Notre action est scrutée à l'international où nous exportons une partie de notre production. La capacité à exporter des animaux, des végétaux ou des denrées alimentaires repose, bien sûr, sur la capacité de nos industriels ou de nos professionnels à ouvrir des marchés, à commercer avec l'étranger, mais elle répond aussi à un préalable, à savoir la reconnaissance, par les autorités sanitaires des États de destination, de notre système sanitaire et de la qualité de notre certification ; c'est, en effet, l'État qui certifie les produits, les denrées ou les animaux. Cela est important. En effet, en apposant leur signature, nos agents de l'inspection et de la certification sur le terrain engagent l'État sur la qualité sanitaire des produits qui sont expédiés dans différents pays. Il existe une attente citoyenne mais également une attente forte des entreprises. Se pose ainsi la question de la loyauté du fonctionnement entre les entreprises et leur capacité à exporter.

Je laisse la parole à Laurence Delva pour qu'elle vous dise quelques mots de la politique de l'alimentation, de sa structuration et du Conseil national de l'alimentation (CNA). Nous interviendrons ensuite sur les aliments ultratransformés, un sujet qui peu à peu s'inscrit au centre des débats.

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