Nous nous plaçons dans la logique du concept international « Une seule santé ». Nous avons une vision très intégrative de la santé humaine et de la santé animale.
À l'origine, la vision qui prévalait était binaire ; dorénavant, une vision commune de la santé végétale et de la santé environnementale prend le pas. C'est un tout auquel il faut faire face.
Monsieur le président, vous avez évoqué les remarques formulées par la Cour des comptes en 2012 sur l'insuffisance des contrôles. À partir de 2013, les effectifs d'inspection ont cessé de baisser, voire ont enregistré une légère augmentation. En trois ans, ils ont progressé de 180 équivalents temps plein (ETP), ce qui, en ces périodes budgétaires difficiles, mérite d'être souligné. La question peut se poser de savoir s'il en faut davantage.
Aujourd'hui, nous disposons d'une enveloppe de moyens humains et techniques, nous bâtissons une analyse de risques et nous organisons nos contrôles sanitaires sur la base de cette analyse de risques. C'est ainsi que chaque carcasse d'un abattoir de boucherie est inspectée. Pour des raisons évidentes de santé publique, une obligation communautaire est faite aux États membres en ce sens. À l'autre bout de la chaîne, le contrôle est bien moindre sur ce qui est vendu directement aux consommateurs – les restaurants, les épiceries, les boucheries, etc. En effet, un restaurant peut n'être contrôlé qu'une fois tous les dix ans, voire davantage.
Récemment, le ministre a évoqué devant l'Assemblée nationale la question des moyens consacrés aux inspections sanitaires. Un benchmarking de différents pays a été réalisé par un cabinet indépendant. Les données chiffrées, aujourd'hui disponibles, montrent une gradation des investissements en la matière. C'est la raison pour laquelle j'ai insisté au début de mon propos sur la nécessité pour l'État de rester fortement présent sur ces questions. C'est le cas, nous restons présents et, sur la base d'une analyse de risques scientifiques, nous allouons des moyens aux sujets les plus sensibles.
Un autre point me paraît important : il s'agit de jouer la transparence la plus totale. Il est normal d'expliquer aux citoyens ce qui est fait, la façon dont les inspections sont réalisées et leurs résultats. C'est pourquoi nous avons développé, depuis un peu plus d'un an maintenant, sur la base d'une disposition de la loi de 2014, le système « Alim'confiance » qui consiste à mettre en ligne les résultats des contrôles officiels dans le domaine de la sécurité alimentaire. On trouve ainsi sur le site les résultats des inspections de l'ensemble des établissements inspectés – les établissements agréés, qui sont inspectés selon une fréquence très précise, et les établissements de remise directe, inspectés moins souvent –, leur géolocalisation et des pictogrammes faisant état du niveau sanitaire de l'établissement.
En matière d'inspection, j'ai évoqué nos services déconcentrés, dans les départements et dans les régions. Je précise que nous sommes confrontés de plus en plus souvent à une délinquance organisée. Certes, elle est très faible à l'aune de la production globale, mais le nombre de dossiers n'est pas anecdotique. Pour les traiter, nous disposons d'une brigade nationale d'enquête qui nous permet d'investiguer, souvent sous couvert judiciaire. Les fraudeurs ne sont pas nombreux en pourcentage, mais ils existent, et il convient d'utiliser l'intelligence économique pour identifier les points touchés par une dérive. Nous avons eu à connaître quelques affaires qui ont fait la une de la presse : les lasagnes à la viande de cheval ou quelques autres dossiers assez emblématiques de situations auxquelles nous pouvons être confrontés, et qui nécessitent d'investir dans la lutte contre la délinquance organisée, dans un cadre international car elle ne se limite pas à nos frontières ; il s'agit souvent de réseaux qui agissent dans différents pays. On le remarque aussi dans le cas des produits phytosanitaires, par exemple.
Quelques mots sur les aliments ultra-transformés, que je ne sais pas définir.
Lorsque l'on parle d'aliments ultra-transformés, on pense à des produits qui ont subi des mélanges et des traitements susceptibles de faire intervenir des additifs, des auxiliaires, des produits néo-formés. Tout cela mérite d'être approfondi. Une étude, publiée le 15 février 2018, évoque une augmentation potentielle du risque de cancers suite à la consommation de produits ultra-transformés. Cela dit, un certain nombre de paramètres méritent d'être vérifiés quant à la qualité nutritionnelle de ces produits. Le phénomène de transformation génère-t-il à lui seul un risque de cancer supplémentaire ? Je n'ai pas la réponse. Il revient aux scientifiques de nous éclairer, mais un travail doit être entrepris à ce titre.
Je voudrais procéder à une comparaison, toutes choses égales par ailleurs, avec les produits phytosanitaires. Dans le secteur agricole, la production végétale s'est développée en quantité et en qualité sous des angles divers, grâce à l'usage de ces produits. N'oublions pas qu'ils ont permis et permettent de lutter contre des organismes nuisibles pour la plante, mais parfois également pour l'homme. Certaines productions n'ayant pas été traitées, nous avons eu à connaître un cas récent d'une intoxication par l'ergot de seigle.
Grâce aux produits phytosanitaires, la production a connu un progrès considérable de la quantité et de la qualité sanitaire. Aujourd'hui, on déchante dans la mesure où d'autres signaux d'alerte sont liés aux faibles doses, aux « effets cocktail », aux combinatoires et aux effets biologiques ainsi que le révèle l'étude de L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) parue récemment. Il convient donc de changer de référentiel pour revenir sur les modèles agronomiques. Je ne suis pas là pour parler des produits phytosanitaires, mais je voulais faire cette comparaison, vous allez comprendre pourquoi.
Il convient de tenir compte de ces effets nouveaux sur le plan des risques sanitaires, car nous allons nous retrouver dans la même logique pour les aliments ultra-transformés. En effet, nos concepts de sécurité sanitaire permettent, sur la base de la toxicologie classique, de sécuriser les produits de toxicités aiguës ou de certaines toxicités chroniques, mais l'on peut s'interroger sur la multiplication des auxiliaires, des additifs, des composants néo-formés, de certains effets perturbateurs endocriniens. Je ne peux vous dire par quels voies et moyens, mais il me semble nécessaire de nous préoccuper de ces questions, sans pour autant baisser la garde sur la qualité sanitaire. Bien souvent, il est plus facile pour des structures de type « industriel » de sécuriser sur le plan sanitaire – au sens du risque sanitaire classique, microbiologique ou chimique – que ce ne l'est pour de petits producteurs, moins souvent en mesure de faire appel aux technologies et aux formations permettant de sécuriser les produits. Nous découvrons un champ d'investigations sur lequel il faut que nous nous penchions sérieusement si nous ne voulons pas connaître des lendemains qui déchantent.