Intervention de Gérard Raymond

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 11h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Gérard Raymond, président national de la Fédération française des diabétiques (FFD) :

Merci, mesdames, messieurs de nous avoir invités à nous exprimer sur un sujet que nous considérons extrêmement important. Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le Président, les diabétiques représentent aujourd'hui un taux élevé de malades en France.

Le diabète de type 2 est largement conditionné par l'équilibre nutritionnel et l'activité physique ; quant au diabète de type 1, il s'agit d'une maladie auto-immune.

L'ensemble des scientifiques considèrent que le premier traitement du diabète de type 2 repose sur l'équilibre nutritionnel et l'activité physique. Aujourd'hui, nous pouvons repérer les pré-diabétiques ou les personnes à risque de diabète de type 2. Le premier des traitements consiste à leur faire perdre du poids par des mesures régimodiététiques, un accompagnement et un encadrement. À cet égard, nous menons une expérimentation de l'assurance maladie, intitulée « Je dis non au diabète ». Les expériences internationales démontrent que l'hyperglycémie baisse en même temps que la perte de poids. Des marqueurs comme le cholestérol ou l'hypertension y sont beaucoup moins sensibles.

Monsieur le président, je vous remercie d'avoir aussi bien présenté la Fédération française que vous connaissez bien. Agréée par le ministère de la santé, reconnue d'utilité publique, cette structure fédérale, qui regroupe l'ensemble des associations fédérées, s'est attachée à avoir un modèle économique transparent afin d'être indépendante de tout corporatisme ou de toute action, que ce soit d'institutions ou d'industriels. Il s'agissait pour nous d'un élément essentiel. Notre engagement se fonde sur des valeurs d'entraide et de solidarité, la défense des droits, l'accompagnement des personnes, l'information et le soutien à la recherche.

La progression du diabète aujourd'hui est un vrai défi de société, car les personnes des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées sont particulièrement vulnérables à cette pathologie. On a pour habitude de dire que l'on trouve bien plus de diabétiques de type 2 à Saint-Denis qu'à Neuilly.

Monsieur le président, vous avez évoqué les départements et territoires d'outre-mer. Nous y connaissons un véritable problème de santé publique, notamment à l'Île de la Réunion, très probablement en raison de changements de comportement brutaux qui se traduisent par l'émergence de fléaux pour la santé et l'économie publique. Ces enjeux sont d'ailleurs mentionnés dans la Stratégie nationale de santé, présentée par Mme la ministre. Je la cite : « L'enjeu majeur est donc de prévenir cette maladie en agissant sur tous les déterminants, notamment ceux liés aux modes de vie ».

Le mode de vie et l'éducation à la santé devraient être un axe fort de notre politique sanitaire mais aussi de la politique environnementale, sociale, sanitaire et d'aménagement du territoire.

Je reviens à l'alimentation et à l'impact sur notre santé.

La conscience du diabète est sans commune mesure avec la réalité du problème. À l'heure où la Stratégie nationale de santé (SNS) fait de la prévention une priorité, il est temps, plus que jamais, de s'attarder sur ce qui est essentiel pour notre santé et ce qui est pour nous, citoyens, un enjeu sociétal, c'est-à-dire notre alimentation, particulièrement l'alimentation transformée, trop transformée.

« Vous prendrez bien une merguez en dessert ? » a été le titre de l'un de nos communiqués de presse. Nous aimons bien faire un petit peu d'humour ! La proposition paraît quelque peu incongrue, certes, pour une note douce en fin de repas, mais c'est le côté sucré de la merguez qui plaît, la merguez contenant 1,52 gramme de sucre pour 100 grammes de produit. Et ce n'est rien comparé à la pizza « Royale » dont une portion peut contenir l'équivalent de trois morceaux de sucre ! Ce constat a été dressé dans une étude réalisée en 2016 par l'Institut national de la consommation (INC) sur plus de 190 produits industriels : les carottes râpées, les merguez, les sorbets, les chips, etc.

Les Français ingèrent 100 grammes de sucre par jour alors que 35 grammes seraient largement suffisants. Ces 100 grammes de sucres sont cachés et nous sommes totalement ignorants de ce que nous ingérons.

Si la maîtrise de la consommation de sucre est un élément déterminant dans la gestion du diabète et sa prévention, il en est de même des graisses, car nous savons qu'elles subissent également des transformations. Il n'est donc pas simple pour une personne atteinte de diabète d'avoir une alimentation saine, de mener une insulinothérapie fonctionnelle, de calculer sa dose d'insuline en fonction du sucre ou du glucose qu'elle consomme puisqu'elle ne la connaît pas, cette méconnaissance étant parfois voulue par les industriels.

L'analyse récemment réalisée par l'INC démontre qu'un verre de Coca-Cola de 25 centilitres contient 4,6 morceaux de sucre et deux additifs. Les industriels ont inventé le « light », l'allégé, qui a focalisé l'attention de tous. Si l'allégé ne contient pas de sucre, il contient des édulcorants, plus de cinq additifs et parfois des matières grasses cachées. Tout le monde ici connaît le E340.

L'information des consommateurs reste une problématique majeure. Alors que fleurissent des applications pour aider le consommateur – Yuka et autres outils de contrôle –, quel est le modèle économique de ces applications ? Qui est derrière ? Comment mesurer la fiabilité des informations mises à disposition ? Comment encadrer de telles initiatives et quel est, à cet égard, le rôle des institutions publiques ?

L'initiative du Nutri-Score est sans doute une révolution, et nous l'avons appuyée dans le cadre des négociations et discussions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale. Néanmoins, avant même de voir le jour, ce logo était déjà concurrencé par la création d'un système par portions. À quand la généralisation du Nutri-Score ? La France ne devrait-elle pas jouer un rôle pionnier ? Même si l'outil est imparfait – nous en sommes parfaitement conscients –, il est nécessaire que, d'un simple coup d'oeil, le consommateur sache si le produit qu'il achète contient du gras, du sel, du sucre, surtout si le produit est transformé.

Que dire de la publicité des produits ultratransformés ? En 2012, selon l'Institut national de la prévention et de l'éducation pour la santé (INPES), plus de 3 milliards d'euros étaient dépensés en publicité plurimédia dans le secteur alimentaire. Voyez que l'on peut trouver un peu d'argent pour faire de la prévention et de l'éducation à la santé !

Près de la moitié – 46 % – des investissements de la publicité alimentaire portent sur les aliments gras, salés ou sucrés. Des travaux scientifiques ont révélé un lien causal entre l'exposition aux publicités télévisées et l'obésité des enfants. Depuis le 1er janvier 2018, la publicité commerciale un quart d'heure avant, pendant et un quart d'heure après les programmes de la télévision publique destinés à la jeunesse est interdite. C'est une bonne chose, mais pourquoi ne pas étendre cette mesure à toutes les chaînes, y compris les chaînes privées, notamment celles qui s'adressent à la jeunesse ? Pour des raisons économiques, me direz-vous ? Pourtant, entre une économie au premier degré et une meilleure santé publique d'une population, certains pays ont fait d'autres choix et s'en portent très bien !

Ces choix seront demain d'ordre économique. N'est-il pas économiquement bénéfique pour notre pays d'avoir des adultes en bonne santé ? La Suède interdit toute publicité pendant les plages horaires des programmes « Jeunesse » réservés aux enfants de moins de 12 ans, sur les chaînes publiques comme sur les chaînes privées. La Norvège, la Finlande, ont, elles aussi, limité ces publicités. Je pense utile de prendre exemple sur nos voisins.

Les marqueurs marketing des produits allégés me semblent également être un enjeu. La procédure est légale, mais est-elle toujours légitime ? Les allégés en sucre sont souvent, voire toujours, enrichis en graisse. L'effet est-il aussi bon pour la santé ?

J'en viens à nos propositions.

Tout d'abord, améliorer l'information du citoyen consommateur grâce notamment à l'extension du Nutri-Score. Tout n'est pas parfait, il faut réfléchir ensemble à des améliorations. En effet, pour être effective, l'éducation à la santé ne doit pas être une option mais une obligation afin de préserver le capital santé de tous. Nous pensons nécessaire que l'ensemble des industriels soient volontaires dans cet affichage. Essayons de leur faire comprendre qu'ils gagneront plus d'argent en produisant de la qualité.

Ensuite, il conviendrait de réguler les mentions marketing et les publicités pour préserver les publics les plus fragiles en incluant dans les programmes scolaires des sessions sur les bienfaits de l'activité physique et de l'alimentation équilibrée. Il est essentiel que l'Éducation nationale mène un véritable projet d'éducation à la santé. Les personnes d'un certain âge se souviennent d'avoir reçu des cours d'instruction civique. De la même façon, l'Éducation nationale doit dispenser des cours d'éducation à la santé et faire comprendre à nos enfants que conserver leur capital santé et apprendre à le conserver sont essentiels.

Au-delà de l'amélioration de l'éducation à la santé du citoyen dès son plus jeune âge et de l'application d'une taxe sur les sodas, il conviendrait que la participation financière des industriels, dont les produits contiennent un taux de sucre élevé, soit intégralement allouée et de façon transparente à la mise en place d'une véritable politique d'éducation à la santé, non pas en les taxant parce qu'ils seraient méchants mais en leur faisant comprendre que leur contribution améliorerait la qualité de leurs produits. Quelques industriels avec lesquels nous avons eu des contacts se sont engagés en adoptant le Nutri-Score, car ils ont compris l'intérêt de cet accord « gagnant-gagnant ».

Nous proposons de prendre des mesures pour favoriser l'accès financier à des produits sains et de qualité, parce que consommer cinq fruits et légumes par jour n'est pas à la portée de tous. En Seine-Saint-Denis, tout le monde peut-il s'offrir cinq fruits et cinq légumes par jour ?

Nous proposons également de favoriser la création d'accords avec les pouvoirs publics et les industriels agroalimentaires pour réduire le taux de sucre et de graisse dans les produits alimentaires transformés, particulièrement outre-mer. Il y a quelques années, on s'est rendu compte que les produits vendus en métropole étaient surdosés en sucre aux Antilles parce que le goût sucré était plus apprécié aux Antilles qu'en métropole. Il y a là quelque chose d'anormal.

Certains pays, comme la Belgique, se sont emparés de ce problème de santé publique. Le ministère belge de la santé a passé des accords avec le ministère de l'industrie agroalimentaire visant à réduire de 5 % les rapports caloriques des produits. C'est en travaillant avec l'industrie agroalimentaire de façon transparente, les structures associatives comme les nôtres et des associations de consommateurs comme l'Union fédérale des consommateurs (UFC-Que Choisir) que l'on parviendra à améliorer l'information et la communication auprès des usagers, mais aussi la mise en place d'une politique d'éducation à la santé.

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