Les arguments que je vais exposer valent pour l'amendement CL222 et pour les suivants, qu'ils visent à interdire la rétention des mineurs, à l'encadrer ou à limiter sa durée.
Sur un sujet aussi important, et plus complexe qu'il n'y paraît, je souhaite que nous travaillions tous ensemble, dans un esprit de responsabilité. Comme l'a dit le Président de la République devant le Congrès, à Versailles, il nous faut, sur ce sujet en particulier, légiférer sans émotion ni colère.
Quel est l'état actuel du droit ? Les familles en situation irrégulière sur notre territoire – y compris, le cas échéant, les mineurs – peuvent, à la différence des mineurs non accompagnés, être placées en rétention. Le projet de loi qui nous est soumis, il est important de le préciser, n'apporte aucune modification en la matière. Sous la précédente législature, la majorité de l'époque avait elle-même buté sur la question de la rétention des mineurs, puisqu'elle ne l'a pas interdite, en dépit de l'engagement pris par le précédent Président de la République. La commission des Lois avait même rejeté des amendements visant à limiter cette rétention, au motif qu'il fallait bien trouver une solution pour les familles en situation irrégulière.
En première lecture, nous avons tous convenu que la rétention administrative des mineurs était parfaitement inhumaine et qu'il fallait remédier à cette situation. Toutefois, un certain nombre d'obstacles nous empêchent de trouver une solution dans l'immédiat. Je pense, tout d'abord, à la situation explosive qui prévaut à Mayotte – nous avons tous en mémoire les propos que notre collègue Ramlati Ali a tenus à ce sujet la semaine dernière –, où 4 500 mineurs se trouvent actuellement en rétention. Ensuite, faut-il renoncer à appliquer le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et les règles relatives à l'éloignement aux familles qui se trouvent en situation irrégulière sur le territoire de la métropole, notamment lorsqu'elles font échec aux mesures d'éloignement, parce qu'elles sont accompagnées de mineurs ? Faut-il séparer leurs membres, en plaçant uniquement les adultes en centre de rétention ? C'est absolument impossible. Enfin, il existe un risque que les mineurs deviennent un enjeu pour les passeurs.
Actuellement, la durée moyenne de rétention des mineurs est de quinze heures, correspondant à la nuit qui précède la reconduite des familles à la frontière. Mais, dans un nombre infime de cas, notamment si une obstruction a fait échec aux mesures de reconduite, cette durée peut être plus longue.
En première lecture, nous avons pris acte de l'engagement de M. Gérard Collomb de rendre les conditions matérielles de la rétention beaucoup plus humaines, en faisant en sorte que des centres soient adaptés à la rétention des familles. Par ailleurs, il nous faut trouver de véritables solutions et définir un cadre juridique. Nous travaillons ainsi à améliorer l'efficacité de l'assignation à résidence, qui serait, sous la responsabilité des préfets, une solution beaucoup plus humaine pour l'éloignement des familles en situation irrégulière. Surtout, le groupe majoritaire – auquel se joindront, je l'espère, toutes les bonnes volontés – a pris l'engagement d'élaborer un cadre juridique viable pour limiter, voire interdire la rétention des mineurs et, plus largement, des personnes vulnérables. Mais, pour ce faire, nous devons prendre le temps de réaliser des auditions et une étude d'impact afin d'apporter une solution fiable et durable aux trois problèmes que j'ai mentionnés.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable à l'amendement CL222 ainsi qu'à l'ensemble des amendements qui concernent la rétention des mineurs. Enfin, je vous proposerai également de supprimer la disposition adoptée par le Sénat, car il s'agit d'une fausse bonne idée.