Intervention de commandant divisionnaire Pierre Leleu

Réunion du vendredi 27 juillet 2018 à 11h10
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune :

Le 1er mai dernier, la CRS 15, dont j'assure le commandement, était mise à la disposition de M. le préfet de police à Paris, en vue d'un service de maintien de l'ordre à l'occasion de la manifestation intersyndicale. À treize heures, j'ai assisté à une réunion préparatoire au siège de la délégation régionale des CRS à Paris, au cours de laquelle était évoqué le risque de trouble à l'ordre public lié à la constitution d'un Black Bloc en marge de la manifestation.

À treize heures quarante-cinq, j'étais stationné boulevard Saint-Marcel avec mon unité qui était placée sous l'autorité de TI 504, indicatif du commissaire désigné comme autorité civile. Celui-ci m'expliquait la mission dont les objectifs comprenaient la protection de l'hôpital La Pitié-Salpêtrière, d'une part, et la capacité à se projeter sur tout incident, d'autre part. Dès quatorze heures quarante, l'unité était pied à terre avec l'ensemble des équipements pour parer à toute éventualité.

À seize heures, sur instruction, je déployais mon unité en barrage, boulevard de L'Hôpital, avec un engin lanceur d'eau, afin d'éviter la remontée du Black Bloc, constitué de 1 200 personnes, vers la place d'Italie. Je recevais le renfort d'une autre unité et d'un autre engin lanceur d'eau pour conforter le dispositif, et nous entamions une progression en direction du pont d'Austerlitz, afin de repousser le Black Bloc et le déstabiliser pour mettre fin aux exactions commises. Les sommations étaient effectuées ; la progression s'opérait sous un déluge de projectiles et d'engins incendiaires. Le mouvement inscrit dans la dynamique, avec l'appui des engins lanceurs d'eau, permettait de déstabiliser le Black Bloc, de le repousser place Valhubert puis pont d'Austerlitz. L'intervention permettait en outre d'éviter la propagation d'un incendie dans une agence automobile.

À dix-sept heures vingt, toujours sous l'autorité de TI 504, nous faisions mouvement rue Monge pour nous déployer place de la Contrescarpe. Je recevais pour mission de contrôler les accès à cette place avec mon unité afin d'éviter tout rassemblement d'éléments désirant occuper les lieux. Une compagnie d'intervention de la préfecture de police – relevant de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) – et des effectifs civils contribuaient à ce dispositif sous l'autorité de TI 504. Concrètement, les accès par les rues Lacépède, Mouffetard et Blainville nous incombaient. Des groupes hostiles gravitaient autour de la place, usant de projectiles sur nos points.

Vers dix-neuf heures dix, des groupes signalés rue Monge nous contraignaient à dépêcher une demi-compagnie sur ce point, ce qui permettait d'interpeller plusieurs personnes, rue Lhomond, pour participation à un groupement en vue de préparer un délit. Dès lors, le dispositif de la place de la Contrescarpe tombait à une demi-compagnie et se transformait en contrôle de zone, c'est-à-dire un dispositif aéré et mobile visant à occuper et à contrôler le terrain.

Vers dix-neuf heures quarante-cinq, un groupe d'une cinquantaine d'individus se présentait par la rue Lacépède. Une section bloquait ce groupe pendant que l'autre section maintenait sa position, place de la Contrescarpe, face à d'autres personnes usant de projectiles. Un fonctionnaire de l'unité était impacté à la cuisse droite. Plusieurs bonds offensifs de cette section permettaient de déstabiliser les agresseurs et de contrôler la situation. Le groupe d'une cinquantaine d'individus précédemment évoqué ayant quitté les lieux, l'officier pouvait alors regrouper sa demi-compagnie à dix-neuf heures cinquante-cinq sur la place. Il était décidé, avec TI 504, d'effectuer une vague de refoulement et de procéder à l'interpellation d'auteurs de jets de projectiles sur nos effectifs. Les effectifs civils présents sur place s'associaient à cette manoeuvre. Mes effectifs extrayaient une personne de sexe masculin, prise en compte immédiatement par un personnel civil, pendant que la jeune fille du couple était ramenée par un second effectif civil. Une fois ces deux personnes interpellées, positionnées derrière nos lignes et prises en charge par les effectifs de la préfecture de police, la demi-compagnie s'attachait à reprendre et à maintenir sa position face à des groupes hostiles aux abords de la place et à poursuivre ainsi son contrôle de zone.

Il était vingt heures quinze. Ce dispositif fut levé vers vingt et une heures trente. Durant ce laps de temps, différents groupes signalés dans les rues adjacentes nécessitèrent l'intervention de l'autre demi-compagnie en divers points. Libérée du service à vingt-deux heures douze, l'unité fit alors retour à sa résidence.

Voilà le récit de la journée du 1er mai telle que nous l'avons vécue jusqu'à ce que l'on découvre, jeudi dernier, que les personnes civiles s'étant associées à notre dispositif n'appartenaient pas aux forces de l'ordre.

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