Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du mardi 31 juillet 2018 à 15h00
Motions de censure — Discussion commune et votes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Vous avez enfin assisté, totalement muet, à une remise en cause de l'essence de notre fonction publique. Celle-ci doit être au service de l'État ; elle doit transcender les clivages politiques pour assurer la continuité et la permanence de l'État. Avoir la tentation de la doubler, sur certains sujets, d'une hiérarchie parallèle, constitue un manquement grave.

Si nous souhaitons enfin vous retirer la confiance de la représentation nationale, c'est parce que vous voulez remplacer l'État républicain par une « main invisible » – pour reprendre l'expression par laquelle le philosophe écossais Adam Smith considérait que les actions individuelles concouraient indirectement à servir les intérêts de la société – mais la main invisible de Jupiter.

Monsieur le Premier ministre, l'État n'est ni une société anonyme, ni une start-up. Jean Jaurès, dont nous commémorons aujourd'hui l'assassinat, a écrit : « l'État aujourd'hui, surtout l'État républicain, est l'expression et l'organe de la volonté commune et de l'intérêt public ». En tant que Premier ministre, vous êtes responsable de son intégrité, de sa survie et de son impartialité à l'égard de toutes les Françaises et les Français.

Parce que l'État ne saurait devenir la main invisible de Jupiter, l'État doit être visible. Or les politiques que vous menez depuis un an contribuent à le rendre invisible, et peut-être même à le faire disparaître pour de bon. Votre philosophie de l'action publique consiste à accréditer l'idée que tout se vaudrait. En banalisant le service de l'État, vous annihilez progressivement l'idée de service de l'État ; par là, vous affaiblissez, à terme, l'État lui-même.

Ainsi, en matière de logement social, vous estimez préférable de donner les clefs de votre politique aux acteurs privés, avec comme seul objectif la vente de 40 000 logements sociaux par an. Pour y parvenir, vous n'hésitez pas à casser tous les outils de mixité sociale, ce qui risque d'aggraver sérieusement la ghettoïsation de certains quartiers, au mépris de notre objectif commun : la cohésion sociale, inhérente à notre État républicain.

En matière de santé publique, vous acceptez que l'État disparaisse de certains territoires en actant la fermeture, la nuit, de services d'urgence pendant la période estivale. C'est le cas par exemple de celui de l'hôpital de Saint-Vallier, pourtant situé sur la nationale 7 qui est pendant les mois de juillet et d'août la plus fréquentée de nos routes ! Monsieur le Premier ministre, quelle impression croyez-vous que cela donne, ne serait-ce qu'aux touristes en villégiature en France ? Cela leur donne l'impression d'un État invisible !

Je pourrais également prendre l'exemple du rapport CAP 22, censé vous inspirer en matière de réforme de la fonction publique. Ses propositions sont encore une fois éclairantes sur votre volonté de rendre l'État invisible. Le rapport propose ainsi, non pas de réformer le statut de la fonction publique, mais – de manière plus hypocrite – de créer les conditions pour s'en passer, ce qui revient de facto à nier les spécificités de la fonction publique. Le même rapport propose de déplacer les inspections académiques au niveau des nouvelles régions, ou encore de supprimer la fonction comptable des directions départementales des fonctions publiques dans les grandes collectivités locales, ce qui rendrait l'État invisible en matière de contrôle effectif des deniers publics.

Pour ce qui est de l'enseignement, l'invisibilité de l'État a été manifeste lorsque vous avez refusé de prendre vos responsabilités et que vous avez laissé les maires décider seuls si, oui ou non, ils conserveraient les rythmes scolaires de quatre jours et demi par semaine.

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