Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 31 juillet 2018 à 21h30
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

pas plus que de Gérard Collomb ou d'Olivier Dussopt, ni même d'Emmanuel Macron. Je vais vous parler du droit à l'erreur.

Dans ce texte, vous alourdissez le travail de l'administration alors que, dans le même temps, vous lui coupez les vivres. Vous enfoncez une porte ouverte en prétendant introduire un principe nouveau, celui de la première erreur de bonne foi, qui ne donne pas lieu à des sanctions. Pourtant, chaque contribuable le connaît déjà s'il a eu affaire, de bonne foi, à l'administration. Toute personne sait que, lorsque l'on écrit à l'administration pour des problèmes fiscaux, on peut bénéficier de ce droit à l'erreur, pouvant entraîner des remises de pénalité.

Votre position est très contradictoire, car vous dites inventer un droit au contrôle opposable, qui permettrait à l'administré de demander à l'administration de se positionner sur une question le concernant mais, si ce principe peut paraître intéressant, vous imposez à l'État, dans le même temps, un rationnement de ses moyens. En affaiblissant ainsi l'État, vous créez une incitation pour les contribuables malveillants à s'abstraire des règles, qui ne sont pas que des contraintes et qui garantissent les libertés.

Vous chargez de travail l'administration – inversion de la charge de la preuve, accompagnement et conseil – , tous les syndicats l'observent et, en même temps, comme cela a été dit par mon collègue Ugo Bernalicis, vous supprimez 120 000 postes de fonctionnaires. Je ne vois pas très bien comment vous pourrez exiger toujours plus de gens auxquels vous enlevez des moyens humains et matériels. Quoi qu'il en soit, cela correspond à votre vision de l'État.

Le plus grave dans ce texte est que vous transformez l'administration de contrôle et de sanction en une administration d'accompagnement et de conseil, ce qui bénéficiera beaucoup plus aux grandes entreprises et aux contribuables fortunés qu'aux autres. La raison en est simple : ceux qui ont les moyens d'avoir des conseils juridiques seront largement favorisés et pourront faire usage du droit au contrôle opposable et à la multiplication des rescrits fiscaux que vous mettez en place. Voilà le deuxième aspect inégalitaire de cette loi.

On nous dit que la loi contre la fraude fiscale pourra contrebalancer tout cela. Très franchement, on est loin du compte, et nous en reparlerons en septembre, mais le texte sur la fraude fiscale est loin d'être à la hauteur de ce mouvement qui met à mal les recettes de l'État. En outre, dans le texte relatif à la fraude fiscale, vous introduisez la notion de « plaider-coupable » pour les fraudes fiscales. Mises bout à bout, vos mesures accordent ainsi aux grandes entreprises l'erreur de bonne foi, le conseil juridique de l'administration et, si elles décident tout de même de frauder, le « plaider-coupable », qui leur évitera un procès. Nous aurons de nouveau ce débat à partir du 15 septembre.

En conclusion, nous voterons contre le projet de loi. Vous donnez plus de travail à une administration dont vous supprimez par ailleurs les moyens. Vous avez élaboré un projet de loi qui augmente le laxisme envers les gros fraudeurs. Vous mettez l'administration au service des grandes entreprises et des plus riches, en privilégiant, notamment, l'accompagnement et le conseil plutôt que le contrôle et la sanction – de ce point de vue, vous êtes fidèles à votre vision très néolibérale, dans laquelle l'État accompagne le marché, alors que l'on sait que si celui-ci n'est pas régulé, il est capable des pires erreurs et des pires désastres économiques. Vous êtes cohérents avec le projet que vous portez depuis un an, …

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