Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, au mois d'avril dernier, nous dénoncions une loi inutile et dangereuse. L'allongement des délais de rétention, la diminution des délais de recours, l'accélération des procédures au détriment de l'examen attentif des dossiers : tout cela contribue à fragiliser le droit d'asile que le Gouvernement prétend défendre.
Ce texte constitue une parfaite illustration de la démarche « en même temps » qui caractérise la politique de la majorité : d'un côté, on affiche des dispositions améliorant l'accueil des personnes dont le statut de réfugié est reconnu, de l'autre, on restreint les possibilités d'accéder à un tel statut, au risque de méconnaître le droit fondamental de l'asile.
Ce projet de loi est émaillé de dispositions fondées sur une suspicion généralisée à l'égard des étrangers, qui sont par principe suspectés de manoeuvres procédurales dilatoires et de vouloir se soustraire à l'administration et à la justice. Comme le dénonce le Défenseur des droits dans son avis, « l'ensemble du présent projet de loi est sous-tendu par une logique de suspicion tendant à faire primer des considérations répressives au détriment des droits les plus fondamentaux des étrangers ».
Ce texte procède fondamentalement de la volonté d'afficher la fermeté du Gouvernement face à une question qui inquiète l'opinion. La réduction des délais, l'accélération des procédures d'instruction, la facilitation des procédures d'éloignement, les principales mesures de ce texte, permettront au Gouvernement de faire la démonstration de l'efficacité de ses politiques en matière d'asile et d'immigration. Ce projet de loi est tout entier mis au service d'une politique du chiffre, au détriment de la possibilité réelle pour certains migrants de faire valoir leurs droits. Ce texte est clairement guidé par la volonté d'assurer le confort de l'administration en faisant payer aux étrangers son inorganisation et l'insuffisance de ses moyens.
Force est de constater qu'à l'issue de cette lecture définitive, le texte n'a pas évolué. Nous déplorons l'entaille dans le droit du sol actée pour le département de Mayotte. Il s'agit d'une atteinte grave au principe d'unicité républicaine et d'une rupture de l'égalité devant le droit de la nationalité.
Nous déplorons le refus de l'interdiction de la rétention des mineurs accompagnés de leur famille, qui sont soumis à des conditions parfois plus dures que les conditions de détention carcérale.
Nous déplorons la remise en cause, avec l'institutionnalisation de la circulaire Collomb, du principe de l'hébergement inconditionnel des demandeurs d'asile et du « droit au répit ».
Nous déplorons le refus de l'accès des demandeurs d'asile au marché du travail dès leur enregistrement, qui aurait pu grandement faciliter leur intégration dans notre pays.
Nous déplorons enfin le refus d'abolir véritablement le délit de solidarité et de sanctuariser « l'aide au séjour » des demandeurs d'asile de la part de citoyens qui agissent sans but lucratif, au nom du « principe de fraternité » reconnu par le Conseil Constitutionnel.
En définitive, il ressort de cette nouvelle lecture un texte qui fragilise un peu plus les droits des réfugiés, complique le travail des associations et piétine les valeurs de notre République.
C'est la raison pour laquelle nous déposerons un recours devant le Conseil constitutionnel : ce projet de loi est manifestement contraire à plusieurs principes de valeur constitutionnelle.
N'oublions pas que derrière les textes, il y a des individus aux parcours migratoires complexes. Pour reprendre les mots de l'écrivain Laurent Gaudé, « aucune frontière n'est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes. »
Quant à vous, à défaut de construire des murs, vous élevez des normes qui ignorent le vécu de chacun, déshumanisantes, faisant fi du lourd tribut que représente le départ du foyer natal.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte inique qui représente un recul pour les droits des demandeurs d'asile.