Monsieur de Courson, je ne suis absolument pas d'accord avec vous, et je vais vous expliquer pourquoi.
Sur le plan des principes, on peut comprendre vos arguments. Pour ma part, je me range aux côtés de Mme la rapporteure, ce qui ne surprendra personne ; quiconque à ma place, comme c'était le cas jadis, ferait la même chose. Lorsque l'on fait de la recherche de fraude fiscale, il n'est pas absurde de se préoccuper de rapporter des recettes à l'État.
Je constate que les critiques portées contre le Gouvernement, ainsi que contre son prédécesseur, visaient le fait de savoir si l'argent que les intéressés auraient dû payer l'avait finalement été – ce qui demeure en effet le but de la lutte contre la fraude fiscale, et il n'est donc pas totalement illégitime de considérer que récupérer des recettes constitue la finalité du contrôle fiscal et des poursuites susceptibles de s'ensuivre.
Par ailleurs, la CJIP, à l'instar de la procédure du « plaider-coupable » qui a fait l'objet des mêmes critiques lors de son instauration, aboutira à un nombre accru de peines prononcées. Je peux entendre l'argument selon lequel les grands fraudeurs échapperont à la sanction grâce au recours à la CJIP que nous proposons, et qu'ils préféreront payer une amende de quelques milliards d'euros, qui ne représente que peu de chose par rapport à leur surface financière comme par rapport au montant d'une possible condamnation, afin d'éviter une mauvaise publicité. Ils n'en connaîtront pas moins, le fait même que nous l'évoquions en commission le prouve, l'opprobre public : la conclusion même de la CJIP signera leur culpabilité, qui pourra être évoquée publiquement par tout un chacun sans crainte d'être contredit.
J'ajoute qu'il faut parfois attendre cinq, six, voire sept ans l'aboutissement d'un procès, au terme duquel il arrive de surcroît que l'État perde. Dans l'affaire Wildenstein, par exemple, qui portait sur des centaines de millions d'euros, aucune condamnation n'a été prononcée au terme des sept années de procédure. Il n'y a eu ni reconnaissance de culpabilité, ni audience publique, ni récupération de recettes.
Enfin, je précise que ce n'est pas Bercy qui va négocier : la procédure n'a rien à voir avec le fameux « verrou ». La CJIP sera homologuée par le juge. L'argument qui est le vôtre depuis de nombreux mois est curieux, puisqu'il consiste à considérer que c'est au juge qu'il revient de connaître de ces questions fiscales en toute liberté ; or, dès que nous proposons de lui laisser le choix de proposer une CJIP, vous criez au déni de démocratie !
Vos trois arguments sont donc parfaitement réversibles et ne servent pas la cause que vous semblez vouloir défendre.