Je souhaite répondre à M. le ministre. En premier lieu, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas lui-même introduit cette disposition dans le projet de loi ? C'est probablement qu'il a considéré que cela aurait un effet contreproductif ; si d'ailleurs j'avais été son conseiller, je l'aurais invité à s'en abstenir.
Par ailleurs, nous sommes aussi libres que le Sénat d'adopter les dispositions que nous voulons.
Ensuite, l'affaire Wildenstein constitue un très mauvais exemple, puisque les intéressés ont gagné : dans ces conditions, pourquoi auraient-ils réclamé une CJIP, alors qu'ils pensaient l'emporter ?
De plus, madame la rapporteure, monsieur le ministre, vous ne répondez pas à la question de savoir qui pourra bénéficier de cette CJIP. Ce seront les puissants de ce monde, c'est évident ! Celui qui peut payer quelques millions d'euros supplémentaires, puisqu'il s'agit de personnes morales et non de personnes physiques, s'empressera de le faire. Les deux premiers exemples le montrent à l'envi : la Société Générale et HSBC ne sont tout de même pas de « petites boîtes » ! Vous forgez bel et bien un outil destiné aux puissants, qui paieront un peu plus – ce qui sera tant mieux pour l'État, dirait M. le ministre chargé des comptes publics, mais attention aux dégâts !
Enfin, cette procédure n'est pas un cadeau fait aux juges, qui devront choisir de recourir à cette procédure ou non. Et, quelle que soit in fine leur décision, ce n'est plus Bercy qui sera attaqué, mais la justice, car les gens s'interrogeront sur ce choix ; ils verront que l'entreprise potentiellement condamnée à verser 60 millions d'euros transigera en acceptant d'en payer 100. Les juges se trouveront dans une situation épouvantable.
Telles sont les raisons, mes chers collègues, pour lesquelles je fais appel à vos sentiments républicains, et vous invite à supprimer cet article provenant d'un amendement du Sénat, et non pas du Gouvernement.