Nous devons saluer ces amendements, qui sont l'aboutissement du grand travail auquel s'est livrée la rapporteure, un travail intéressant qui a permis de revoir un certain nombre d'a priori. Nous étions en effet partis avec l'idée, souvent évoquée par Charles de Courson, que le « verrou de Bercy » protégeait les « gros », qu'il reposait sur une volonté claire de l'administration fiscale de dessaisir l'autorité judiciaire. Nous étions également partis avec l'idée, plus juste mais difficile à remettre en cause, que tout ce système était exagérément centralisé. Nous nous sommes en réalité aperçus que le « verrou » ne protégeait pas nécessairement les gros, et qu'il avait pour objet d'assister, d'aider la justice qui parfois était très empêtrée dans cette affaire. Nous avons compris que le « verrou » n'avait pas été imposé par Bercy à la justice, mais au contraire demandé par les magistrats, qui avaient le sentiment depuis longtemps, dès la création de l'impôt sur le revenu, de manquer de conseils techniques et que c'était donc sur le fondement d'une coopération insuffisante que s'était organisé tout cela.
Sur ces différents points, nous pensons vraiment que le système ici proposé est très satisfaisant. C'est un compromis rendu possible par l'attitude ouverte du ministre. On n'a pas supprimé la CIF mais on a fixé des critères automatiques. L'automaticité prévient contre tout risque d'arbitraire dans le domaine où ces critères sont appliqués. Il ne s'agissait pas seulement, comme on pouvait le penser en écoutant les premières interventions de M. Darmanin, très justes d'ailleurs, de donner à la loi la possibilité de fixer des critères aujourd'hui définis entre Bercy et la justice ; mais, au-delà de la fixation par la loi, c'est l'automaticité qui est importante et qui est une garantie fondamentale.
Ensuite, je ne suis pas d'accord avec Charles de Courson sur le fait qu'on maintiendrait le « verrou de Bercy ». C'est en fait l'anti-« verrou de Bercy », puisque la possibilité est donnée à Bercy de s'intéresser à des contribuables qui n'obéissent pas aux critères définis, alors que sans cette possibilité, ils se trouveraient miraculeusement protégés – ce n'est pas parce que des gens gagnent peu que ce ne sont pas de profonds scélérats... Il faut vraiment distinguer la gravité de la faute de l'importance du montant gagné. Il eût donc été absurde que l'administration fiscale ne puisse déférer à la justice ceux qui ne répondaient pas aux critères.
Enfin, la proposition de délier les agents de l'administration fiscale du secret professionnel à l'égard du procureur, même si cette disposition ne sera facile d'application ni pour Bercy ni pour personne, ouvre la porte à des commencements de coopération décentralisée au niveau des différents parquets. C'est en tout cas là un très grand progrès.
Nous soutenons ce compromis.
J'en viens plus précisément au sous-amendement CF224. Notre collègue Laurence Vichnievsky est inquiète, c'est sa nature et son métier qui le veulent... Quand on a été si longtemps juge d'instruction, on se méfie à juste titre de tout le monde ! Or, après les discussions que nous avons eues avec la rapporteure et avec le ministre, nous avons bien vu que la réalité de l'infraction potentielle ne pouvait se matérialiser, s'évaluer qu'après la notification. Par sympathie, je voterais bien son sous-amendement, mais ma raison résiste à mon coeur...