J'aurais été désireux de poursuivre nos travaux, madame la présidente, si vous aviez accepté, ainsi que la majorité, qu'ils se déroulent de manière transparente. J'avais demandé, avec le soutien de tous les députés, à l'exception de ceux appartenant à la majorité, l'audition de responsables de la présidence de la République, du ministère de l'intérieur et du parti La République en Marche. Ces auditions – dont la liste très précise vous a été adressée dès la création de la commission et à plusieurs reprises par la suite, après qu'elle eut été complétée par les groupes – ont été refusées à notre commission, empêchant celle-ci d'accomplir le travail précis nécessaire à la manifestation de la vérité et à l'identification des responsabilités. J'observe que, pendant que l'Assemblée nationale était entravée, le Sénat, quant à lui, parce qu'il n'est pas dominé par une majorité macroniste mais composé de sénateurs libres et indépendants (Exclamations), a pu continuer ses travaux. Ainsi, le secrétaire général de l'Élysée et le délégué général du parti En Marche, dont les auditions nous ont été refusées, ont pu être entendus par la commission d'enquête du Sénat. Il me paraît très regrettable, pour le bicamérisme et la dignité de l'Assemblée nationale, que les députés de la majorité aient accepté de satisfaire les désirs de l'Élysée en refusant d'entendre des personnalités pourtant convoquées devant l'autre chambre du Parlement.
Je regrette également, madame la présidente, qu'aucune pièce n'ait été in fine demandée par notre commission d'enquête. Ces pièces, différents membres de la commission des Lois ont émis le souhait, au fil des auditions, qu'elles nous soient communiquées par l'Élysée, le ministère de l'intérieur ou la préfecture de police. J'en ai dressé, jeudi dernier, la liste précise, qui figurera au compte rendu de nos travaux. Il est très regrettable que notre commission, pourtant dotée des pouvoirs d'investigation sur pièces d'une commission d'enquête, n'ait pas souhaité, par la volonté de la majorité, disposer de pièces indispensables à la manifestation de la vérité.
Des auditions bâclées – pardon de le dire –, des pièces non demandées : en définitive, cette commission d'enquête n'en est plus une. Ses travaux ont été empêchés. Je prends acte de cet échec. Vous souhaitez désormais publier le compte rendu des quelques travaux qui ont été réalisés ; je ne m'y opposerai évidemment pas, bien au contraire, car nous devons la publication de ce compte rendu à nos concitoyens. Ce que je regrette, encore une fois, c'est que nous n'ayons pas pu nous saisir totalement des pouvoirs d'une commission d'enquête.
J'observe pourtant que d'autres commissions de ce type, sous d'autres majorités, ont su fonctionner. J'étais, en tant que député Les Républicains, un opposant de François Hollande sous la précédente législature. J'ai siégé au sein de la commission d'enquête sur l'affaire Cahuzac ; la majorité de l'époque n'en a pas entravé le fonctionnement. Nous avons ainsi procédé, durant quelques semaines, à plusieurs auditions, dont celle de M. Cahuzac lui-même, du reste, alors qu'il faisait l'objet d'une procédure judiciaire. Je le dis en réponse aux propos tout à fait erronés, au plan juridique, et inopportuns, au plan politique, que le Premier ministre a tenus hier, dans l'hémicycle : la commission Cahuzac a fonctionné et nous avons pu exercer totalement les pouvoirs que nous avions en tant que membres de cette commission sous la précédente législature. Le prétendu « nouveau monde », qui donne tant de leçons de vertu et de transparence, n'a été ni vertueux ni transparent dans cette affaire ; je le regrette, et pour l'Assemblée nationale et pour la manifestation de la vérité. Les Français qui auront suivi nos travaux auront compris, je le crois, que la majorité des députés n'a pas voulu que la vérité précise, les responsabilités précises, puissent être révélées.