Je suis élu du Rhône, non de la Loire, mais ayant travaillé pendant vingt-et-un ans sur Saint-Étienne Métropole, j'ai été membre du conseil développement de cette agglomération pendant un certain nombre d'années. Pour faire un constat très simple sur la production de CO2 induite par la consommation d'énergie dans les habitations de cette métropole, les maisons individuelles d'avant 1980 génèrent deux fois plus d'émission de CO2 que les maisons construites après cette date. Bien entendu, plus les maisons sont récentes et plus les émissions sont faibles. Cela peut paraître assez évident, mais il est toujours utile de le rappeler. Énormément de maisons individuelles font partie des « passoires énergétiques ». Le problème, c'est qu'il n'est pas toujours évident pour les propriétaires de réaliser des travaux coûteux. On disait tout à l'heure qu'il y a eu une mode en faveur du changement des fenêtres et aussi des portes, alors qu'on sait que c'est l'ensemble du bâtiment qu'il faut revoir. Mais ce sont souvent des travaux lourds, qui ne bénéficient pas nécessairement pleinement des aides fiscales. En la matière, en prenant le temps d'expliquer, des résultats importants pourraient être obtenus.
Les ALEC (Agences locales de l'énergie et du climat) ne prennent pas toujours la même forme, suivant leur localisation. Il y a quelques années, j'ai été membre du conseil d'administration de l'équivalent d'une ALEC, dans la Loire. Nous avions rencontré d'autres ALEC ou organismes équivalents d'autres départements, ce qui nous avait permis de constater des approches très différentes. L'un des rôles des ALEC est d'accompagner, d'expliquer et de rassurer. Comme la rénovation reste un sujet assez nouveau, beaucoup de personnes, parfois déjà victimes d'entreprises peu scrupuleuses, sont méfiantes à l'égard de tout démarchage, qu'elles assimilent à une publicité. Elles pensent qu'à partir du moment où on va leur donner des conseils, ceux-ci seront facturés, alors que nombre d'ALEC fonctionnent sur crédits publics et ont simplement pour mission de renseigner et d'accompagner. Je me souviens d'une ALEC où des jeunes en service civique venaient ainsi en soutien des personnels pour réaliser des diagnostics ; mais dès qu'on commence à parler de diagnostic gratuit, cela inquiète les gens. Je crois qu'il existe vraiment une barrière psychologique à la rénovation, on l'a ressenti en discutant avec les chercheurs.
D'un côté, il y a la facture énergétique à payer, de l'autre, le manque de visibilité sur la réduction possible de cette facture ainsi que sur la qualité de confort possible, complément nécessaire. Il faut faire beaucoup de démonstrations pour convaincre et il faudrait sans doute se poser la question du fameux niveau T0, c'est-à-dire de la mesure, du diagnostic à porter sur le bâtiment par un organisme distinct de l'entreprise locale. Il ne faut pas laisser penser au citoyen que lorsqu'une entreprise vient le voir, elle a nécessairement quelque chose à lui vendre ensuite. Si celui qui fait la mesure, prescrit la solution, cela risque d'inquiéter, à juste titre. Je pense que beaucoup de personnes hésitent à aller vers la rénovation tout simplement parce qu'elles n'ont pas cette mesure du T0. Elles ne savent pas où aller chercher de bons conseils et quand elles s'adressent aux ALEC, elles sont confrontées à une grande complexité. Le sénateur Stéphane Piednoir a parfaitement raison sur ce point. Il faudrait clarifier la situation et disposer d'une sorte de service public, ou d'information publique, totalement indépendante des entreprises de rénovation et, surtout, très accessible et pédagogique. Pour ce qui est du BIM, il concerne plus le neuf que la rénovation.
Ce qui est certain, c'est qu'il y a des marges de progression dans ce domaine de la rénovation énergétique. S'il fallait retenir une seule chose, c'est que si l'on veut vraiment diminuer la consommation énergétique des bâtiments, il faut faire porter l'effort non sur la construction – même si on fait des bâtiments neufs extraordinaires, des maisons passives, etc. – mais sur la rénovation. Je crois qu'il faut que nous gardions cette idée en tête, notamment en vue de la discussion du prochain projet de loi de finances ou d'autres projets de loi, tels que le projet ELAN précité, en cours de navette.
En conclusion, il importe surtout de mieux structurer ce domaine, d'essayer d'inciter nos concitoyens à se poser clairement la question de la rénovation énergétique, à ne pas la voir comme une menace, comme une source de dérives possibles des coûts, avec des interlocuteurs qui ne sont pas toujours de confiance. Les citoyens ont besoin d'être rassurés à ce sujet, et pour rassurer, il faut faire des mesures. Ces mesures ne sont pas triviales, tout comme elles ne le sont pas plus pour la qualité de l'air dans une pièce. Si la quantité de CO2 est trop importante, cela ne se voit pas, ne se perçoit pas, tout comme pour l'énergie.