Ainsi que vous l'avez souligné, je porterai sur ce projet de loi un regard macroscopique d'économiste. Cependant, ayant piloté, au sein du Secrétariat général du gouvernement (SGG), le programme de simplification des entreprises – inspiré des propositions soumises par MM. Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal –, je pourrai porter une appréciation sur les aspects plus microéconomiques de ce projet.
Le projet de loi PACTE me semble contenir de nombreuses avancées favorables. En matière de simplification, il traduit l'ambition de lever des barrières à chaque étape-clé de la vie de l'entreprise. Au stade de la création tout d'abord, ce projet poursuit la volonté d'instaurer un guichet unique aussi efficace que possible. Des progrès avaient déjà été réalisés en la matière, avec la mise en place de guichets uniques par type d'entreprise. Le projet de loi vise un dispositif dématérialisé, unifié et harmonisé, ce qui me paraît de bon aloi.
Certaines dispositions du projet sont susceptibles d'abaisser les coûts financiers supportés par les entreprises au moment de leur création, notamment au regard des annonces légales. Plus fondamentalement, le système reste malgré tout assez absurde, faisant peser sur les créateurs d'entreprise une subvention déguisée à la presse quotidienne régionale. Sans doute cet aspect pourrait-il encore gagner grandement en efficience et en transparence.
Une autre avancée très importante du projet, poursuivant un mouvement déjà engagé, consiste à encourager la croissance des petites structures. Il me semble très pertinent de vouloir tout à la fois unifier la définition des seuils d'effectifs – le concept même d'effectifs étant variable selon les codes –, rationaliser le nombre de seuils et alléger le seuil des 20 salariés. Surtout, ces mesures ont le mérite d'offrir une sécurité juridique et une capacité d'anticipation aux entreprises en croissance. Le délai de cinq ans permettant aux entreprises de s'assurer qu'elles ont véritablement passé un seuil me paraît fondamental. C'est peut-être même l'aspect qui me paraît le plus important dans la question des seuils.
Le report de certaines obligations à des seuils d'effectifs plus élevés est certes favorable à la croissance de très petites structures. Toutefois, il a pour effet de déporter la contrainte à une étape ultérieure de la vie de l'entreprise. Ce type de mesure est nécessairement sous-tendu par des arbitrages de cette nature.
Sans être un expert de la liquidation des entreprises, les mesures du projet de loi qui la concernent me semblent aller dans le bon sens. Il est important que des dispositions évitent la stigmatisation des entrepreneurs dont l'entreprise disparaît. Or nous savons combien l'échec est déconsidéré en France, tandis que la culture anglo-saxonne y voit la contrepartie d'une prise de risque valorisée. La communication politique pourrait insister sur cet aspect, et ainsi contribuer à faire évoluer les représentations.
Si ces mesures de simplification présentent un réel intérêt pour la vie quotidienne des entreprises, je ne suis pas certain que nous puissions facilement en dégager un impact macroéconomique immédiat.
D'autres mesures sont susceptibles de produire des effets macroéconomiques plus rapides, telles que l'incitation à l'intéressement et à la participation via des baisses de coûts pour les entreprises. La baisse du forfait social ou sa suppression pour les petites entreprises me semble à cet égard très importante. Elle contribue à une diminution des prélèvements sur la production pour les petites structures. J'ai d'ailleurs cru comprendre que la mesure relative aux seuils d'effectifs pourrait être accompagnée de la réduction ou de la suppression de certains prélèvements, comme la participation des employeurs à l'effort de construction. Un faisceau de dispositions devraient ainsi permettre de réduire les coûts de production des petites entreprises, et ainsi de les faire gagner en compétitivité.
Un ensemble de dispositions prolongent par ailleurs la réforme de la fiscalité du capital contenue dans la loi de finances pour 2018. En particulier, l'orientation de l'assurance-vie vers le financement des entreprises et de l'investissement productif est fondamentale. Elle répond au diagnostic, amplement argumenté par Coe-Rexecode, d'une dégradation continue de la compétitivité française depuis le tournant des années 2000. C'est là un phénomène macroéconomique majeur dont tout le monde n'a peut-être pas saisi l'ampleur. Il pénalise la France par rapport aux pays émergents certes, mais aussi à des pays ayant le même degré de développement qu'elle et avec lesquels elle partage la même monnaie, ce qui abolit le levier de la dévaluation. La France perd continûment des parts de marché à l'exportation par rapport à l'Allemagne et l'Italie depuis 2000, et par rapport à l'Espagne depuis la crise de 2008. Ce recul est à mettre en parallèle avec la contraction de la base industrielle de la France par rapport à ses partenaires de la zone euro. C'est pourquoi il nous paraît fondamental d'agir sur la capacité d'innovation des firmes – notamment sur leur financement, avec une fiscalité du capital plus neutre – et d'orienter davantage l'épargne vers les activités productives. De même est-il essentiel de diminuer les prélèvements pesant sur les coûts de production des entreprises. À cet égard, le projet de loi PACTE comporte des mesures favorables.