Intervention de Nicolas Véron

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 11h45
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Nicolas Véron, économiste, co-fondateur du think tank Bruegel :

Comme je l'ai dit au départ, mon expertise est plus internationale que française. Je ne chercherai donc pas à répondre aux questions pour lesquelles je n'ai pas l'expertise requise.

Nombre de vos questions ont trait à la structure du système financier en France, et à la manière dont les Français perçoivent les services financiers – le plus souvent par le prisme de leur agence bancaire, comme dans nombre d'autres pays, ce qui a des conséquences structurelles fortes. On pourrait discuter pendant des heures du système bancaire français – en employant des mots qui fâchent… Ce système est très concentré, en comparaison avec les autres pays européens mais aussi avec les États-Unis ou le Japon. Pour autant, est-ce un cartel ou non ? Ce n'est pas à moi d'en juger. En tout état de cause, c'est un système très concentré, dans lequel la concurrence n'est pas la caractéristique première. Je suis tenté de répondre à plusieurs de vos questions de manière très générale, en observant que si l'on pouvait renforcer la concurrence dans les services financiers proposés aux Français, on progresserait largement. C'est une question de structure de marché, d'organisation industrielle pour citer les économistes, plus que de réglementation – même si les deux sont évidemment liées puisque la réglementation a accompagné et, d'une certaine manière, figé la structure de marché qui est la nôtre.

Poser ce diagnostic ne suffit pas pour arriver directement à une proposition, mais c'est une manière de voir les défis de politique publique qui se posent dans ce domaine. M. Prache a présenté des chiffres qui illustrent le « mauvais deal » que reçoivent les épargnants français de la part de leurs prestataires de services financiers. Il faut dire les choses comme elles sont : ils se font plumer par les commissions – excusez mon langage trop vif. Si l'on n'aborde pas ce sujet en y mêlant une observation de la structure du marché et des enjeux de concurrence, on tournera autour du problème. C'est vrai notamment pour l'accès aux ETF. Il faut que la structure de marché permette aux acteurs qui proposent ces produits de se faire une place, ce qui n'est actuellement pas le cas. C'est vrai aussi, à mon sens, pour la culture de la performance financière. Il faut, encore une fois, que des prestataires de services aient accès au consommateur, d'une manière ou d'une autre, pour lui proposer mieux que les acteurs traditionnels. Internet et les fintech peuvent apporter des solutions intéressantes, mais je reste pour ma part assez « vieille école » sur ce point et je pense que le marché traditionnel a lui-même besoin d'être bousculé – ce qui requiert une logique européenne et transfrontalière. Il ne faut pas que nous soyons choqués si l'une de nos banques est rachetée par un étranger. Après tout, nous sommes très contents quand l'une de nos banques rachète des banques étrangères ! C'est d'ailleurs arrivé souvent, mais jamais dans l'autre sens à l'exception du rachat du CCF et de Hervet par HSBC, mais c'était il y a longtemps.

Je me sens trop en conflit d'intérêts pour répondre aux questions de M. Saint-Martin. Je suis évidemment favorable aux investissements dans le capital de sociétés non cotées et je pense qu'il y a des choses à faire en matière de fiscalité, mais j'ai précisé mon intérêt particulier – même si les fonds de Newfund ne sont pas des fonds fiscaux. Je préfère donc laisser la parole à d'autres.

Sur la protection du consommateur et l'arbitrage national ou européen, je pense qu'il y a beaucoup à faire à un horizon de moyen et long terme. Aujourd'hui, notre réglementation financière est essentiellement européenne. C'est le sens de l'histoire. Avec l'Union bancaire, la loi bancaire deviendra de plus en plus une simple loi de transposition. Pour le reste, je crois qu'il faut s'attendre – et même le souhaiter – à un renforcement des compétences européennes. À défaut, nous connaîtrons des événements de type contract for difference, à la chypriote, qui se traduiront par des pertes pour le consommateur sans capacité de recours du fait de la logistique du passeport. Si l'on veut conserver le passeport, qui est une bonne chose dès lors qu'il s'agit du marché intérieur, il faut absolument créer un meilleur échelon de protection du consommateur au niveau européen. Il en va de même dans le domaine de la lutte anti-blanchiment, un sujet sur lequel je travaille actuellement suite aux problèmes rencontrés en Lettonie et ailleurs. La logique du marché intérieur a été un peu bridée par le Royaume-Uni pendant très longtemps, mais maintenant qu'il n'est plus là, je pense que nous pourrons effectuer des progrès dans les cinq ou dix ans à venir pour avoir un meilleur échelon européen de protection du consommateur. Mais vous avez raison, cela prendra du temps et, dans l'intervalle, le consommateur doit être protégé. De ce point de vue, je rejoins les observations de Guillaume Prache sur ce qui relève de la loi française.

Sur « Solvabilité 2 », je partage les critiques de Guillaume Prache. Je pense que cette réglementation n'a pas suffisamment fait la différence entre la logique assurantielle, qui est celle de bilans à horizon très long, et la logique bancaire qui présente un risque systémique pouvant se manifester de manière très rapide en termes de liquidités. J'appellerais donc également de mes voeux un recalibrage, sans prétendre avoir d'expertise très profonde sur le sujet des assurances.

Sur la question de M. de Courson relative au dispositif Madelin, je ne suis pas suffisamment entré dans le sujet. Je préfère donc ne pas répondre que faire une réponse vague.

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