Pour répondre à la question de M. Barrot, nous ne faisons pas de promotion particulière de la gestion active ou passive, mais nous observons que les fonds indiciels cotés ont de très faibles frais et permettent souvent une diversification très importante. Ils constituent donc un bon véhicule pour investir en actions. Par ailleurs, pour répondre spécifiquement à votre question, ce n'est pas une exception française. Aux États-Unis, en effet, 50 % du marché des ETF indiciels s'adresse aux particuliers, contre 10 % en Europe. Les données les plus récentes montrent que la part des ETF indiciels monte en Angleterre et aux Pays-Bas, qui ont interdit le commissionnement et les rétrocessions. Ces produits n'étant pas ou peu commissionnés, c'est la raison pour laquelle ils ne sont pas proposés aux guichets français, italiens ou encore allemands – ce n'est pas moi qui le dis, mais l'AMF. Comment y remédier ? Je pense, et c'est peut-être une nuance par rapport aux propos de Nicolas Véron, qu'il existe déjà beaucoup de mesures pour la protection des épargnants dans la réglementation européenne. Encore faut-il les appliquer. Il faut aussi les rendre cohérentes. Or pour la protection des épargnants, il existe une incohérence entre d'une part la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIF 2) qui couvre les actions, les obligations et les fonds en direct, et d'autre part la directive sur la distribution d'assurance (DDA) qui couvre tous les produits assurantiels. La protection n'est pas la même, notamment concernant la prévention des conflits d'intérêts dans la distribution. L'AMF effectue des « visites mystère ». En tant que membre de sa commission consultative « épargnants », je n'ai de cesse de l'inciter à transmettre à l'inspection les dossiers de conflit d'intérêts identifiés par sa direction des relations avec les épargnants. Manifestement, les règles sur la prévention des conflits d'intérêts et la primauté de l'intérêt de l'épargnant ne sont pas respectées.
Sur le PERP, il existe une certaine convergence avec le projet PACTE – heureusement ! Mais nous aimerions qu'elle soit plus forte. L'option par défaut, dans le projet de loi, est la gestion pilotée. Cela nous paraît très positif pour augmenter la part d'actions dans la phase d'accumulation. Mais cette mesure est encore en débat au niveau européen. La Commission avait proposé un dispositif contre lequel nous sommes vent debout, en l'occurrence une protection du capital, mais pas de gestion pilotée. Nous serions ravis s'il s'agissait d'une véritable protection du capital. Or, si vous lisez le projet européen dans le détail, vous verrez que c'est après frais accumulés – donc sur quarante ans, le capital est garanti au mieux à 60 % et non à 100 % – avant inflation. Finalement, on vous garantit le quart des versements effectués quarante ans plus tôt, et sans vous le dire, voire en vous affirmant que vous êtes entièrement garantis ! Cela ne va pas. Nous avons donc d'autres propositions en la matière.
Il faudrait aussi parvenir à ce que les associations indépendantes d'épargnants puissent souscrire à un plan européen d'épargne-retraite individuel (PEPP). En 2016, les fonds en euro proposés par les associations indépendantes d'assurance-vie membres de la Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite (FAIDER) ont en moyenne donné une performance de 2,64 %, contre 1,73 % pour les fonds des bancassureurs. Cela représente près d'un point d'écart, soit, rapporté à la part des bancassureurs, 7 milliards d'euros en moins de rendement pour les épargnants concernés.
Sur la phase de sortie, le projet de l'Union européenne, pour l'instant, ne se prononce pas sur l'option par défaut. Nous avons proposé – pour l'option par défaut comme pour le projet de loi PACTE – que l'on puisse choisir de sortir en capital ou en rente, tout en souscrivant une rente viagère différée à l'âge d'espérance de vie, soit 80 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. Cela permettrait de cumuler tous les avantages pour l'économie comme pour l'épargnant, notamment en conservant une part d'actions non négligeable. C'est une option de la rente Riester, qui est le produit d'épargne-retraite de référence en Allemagne. Aux États-Unis, où il existe un vrai marché de la rente, ce n'est pas cher. C'est ce qui manque en Europe.
Par ailleurs, pour répondre à M. Saint-Martin, je n'opposerais pas nécessairement la culture de la défiscalisation et celle de la performance financière, même si nous sommes favorables à l'amélioration de cette dernière.
Concernant la culture de la défiscalisation, j'observe que dans toute l'Europe, et quasiment dans le monde entier, l'épargne-retraite bénéficie d'une incitation fiscale. Mais à l'heure actuelle, en France, pour l'épargne-retraite individuelle, ce n'est qu'un différé d'imposition. En effet, vous êtes prélevés à la sortie. Finalement, vous payez deux fois les prélèvements sociaux : vous ne les déduisez pas de l'assiette à l'entrée, et si vous sortez en rente viagère, vous les payez à nouveau sur la partie épargne. Il ne faut pas exagérer !
Sur la performance financière, je suis d'accord avec vous. Nous avons des propositions, qui sont soutenues par certains de nos membres en France. Elles portent sur un éveil précoce des jeunes à l'entreprise et un plan d'épargne en actions (PEA) pour les jeunes – non pas pour plomber le budget de l'État, monsieur Saint-Martin, mais pour faire émerger une culture de l'investissement en actions. Les actionnaires individuels sont nettement moins nombreux qu'avant, et ils sont de plus en plus âgés. En 1970, ils détenaient 40 % de la capitalisation française, contre 13 % aujourd'hui. Nos autres propositions visent à offrir systématiquement une tranche aux particuliers dans les cessions des participations de l'État en bourse. Certaines mesures du projet de loi sont très favorables à l'actionnariat salarié ; nous en proposons d'autres.
Par ailleurs, il faudrait, bien sûr, développer les sociétés non cotées. Toutefois, commençons déjà par les PME cotées. En outre, pour que les sociétés non cotées puissent se financer – vous le savez aussi bien que moi et Nicolas Véron encore mieux –, l'un des débouchés naturels est la sortie en bourse. Sans un important marché de petites et moyennes capitalisations, très liquide, cela ne fonctionnera pas. Nombre de nos propositions portent donc sur ce point.
Nous sommes très clairement pour la liberté de sortie en capital ou en rente afin d'améliorer l'attractivité de l'épargne-retraite, à condition que l'on fasse vraiment ce qui est mentionné dans l'exposé des motifs, c'est-à-dire que l'on favorise fiscalement la rente. Sinon, tout le monde choisira la sortie en capital. Plus généralement, il faut arrêter de pénaliser l'épargne longue. On est malheureusement revenu sur les abattements en fonction de la durée pour les investissements directs en action, et on a défiscalisé l'épargne en assurance-vie courte. Il faut pourtant tenir compte de l'érosion monétaire et ne taxer que les revenus réels si l'on veut encourager l'épargne longue d'investissement en actions.
Sur la protection du consommateur, de nombreuses mesures sont déjà prises au niveau européen. Nous ne préconisons pas une interdiction des commissions, comme l'ont fait l'Angleterre et les Pays-Bas. En effet, dans le modèle de l'Europe continentale, notamment de la France, la distribution est assurée au moins aux deux tiers par les bancassureurs – donc des salariés qui vendent des fonds sans percevoir de commissions. Mais il faut appliquer la loi et la directive MIF, qui sont très claires : les commissions doivent être dans l'intérêt des épargnants. Malheureusement, les « visites mystère » de l'AMF et de nombreux autres éléments prouvent que tel n'est pas le cas.
Je partage l'idée selon laquelle le projet de loi doit intégrer Préfon et Corem – et, plus généralement, les régimes par points. Avoir une phase de gestion pilotée dans la phase d'accumulation est compliqué pour ces régimes, qui sont gérés actuariellement dès le premier euro versé. Mais l'on doit pouvoir trouver des solutions !
Enfin, pour inciter les institutionnels à aller davantage vers les produits intermédiés et à augmenter massivement leurs investissements en actions, peut-être faudrait-il imposer des minima dans certains grands produits intermédiés.