Intervention de Nicolas Véron

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 11h45
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Nicolas Véron, économiste, co-fondateur du think tank Bruegel :

Je connais mal le sujet du cantonnement, mais je regarderais avec prudence, voire scepticisme, les protestations des assureurs.

Concernant les ICO et les jetons, ce thème est en pleine évolution. Je considère qu'il est plutôt positif que la loi française cherche à anticiper sur des évolutions futures de la loi européenne dans ce domaine, car je crois que nous avons besoin d'expérimentations non seulement en matière de financement mais aussi en matière de réglementation. Il faut garder en tête que toutes ces expériences – blockchains, jetons, etc. – restent limitées en termes de financement de l'économie dans son ensemble, en volume. Nous sommes encore dans la logique que certains Anglo-Saxons appellent la logique du « bac à sable ». Par ailleurs, comme vous en avez fait mention, il existe de très sérieux sujets de préoccupation au niveau international sur la protection de l'épargnant, mais aussi sur le blanchiment, voire sur le financement du terrorisme.

Sur ces deux derniers points, j'ai tendance à penser que le sujet est davantage celui de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en tant que tel que celui des blockchains. Dans ce domaine, j'appelle de mes voeux une action européenne vigoureuse puisque nous avons découvert en début d'année – à supposer qu'on ne le sût pas déjà – que nos outils européens en la matière sont totalement inadéquats. Là encore, par la logique du marché intérieur et du passeport, c'est le maillon faible qui attire toutes les transactions suspectes, et il y aura toujours un maillon faible. Une réflexion très honnête et très directe est donc nécessaire au niveau européen. Je sais que la Commission et le Conseil s'en sont saisis. Les réponses ne peuvent être qu'européennes.

Sur la manière dont le projet de loi traite des ICO, je n'ai pas d'avis particulier. Je n'ai pas étudié ce sujet suffisamment dans le détail, et je pense qu'il sera de toute façon amené à évoluer très rapidement. Même si vous légiférez cette année sur ce sujet, il y aura sans doute lieu de le faire à nouveau l'année prochaine et dans deux ans.

Pour revenir à la première série de questions et à la façon de stimuler une culture de l'action et de l'épargne, nous avons besoin de modèles. Si vous êtes un épargnant particulier, vous regardez ce que font les gens autour de vous, vos parents et vos connaissances. Les bonnes pratiques se diffusent ainsi par capillarité – très lente par nature, mais inévitable – et le succès appelle le succès. Plus il existera d'exemples d'épargnants qui auront mieux placé leur épargne, plus la culture évoluera.

Guillaume Prache indiquait, à très juste titre, que les réglementations européennes sont nombreuses mais ne sont pas suffisamment appliquées. En la matière, il y a lieu de renforcer très fortement la capacité des autorités européennes, notamment celle des marchés financiers (ESMA), à intervenir directement en cas de fraude ou de mauvaises pratiques. Ce sujet est en discussion au niveau communautaire dans le cadre du projet de texte sur la revue des autorités de supervision européenne (ESA). Je crois qu'il faut rendre hommage à la fois à l'AMF et au gouvernement français pour être un peu en pointe en la matière. Mais, malheureusement, il faudra une forte mobilisation, y compris au plus haut niveau politique, pour faire aboutir ce projet. Je regrette qu'elle n'ait pas eu lieu au moment du sommet de juin, qui était une bonne occasion de faire avancer ce projet de réforme et de renforcement de l'ESMA. J'espère qu'il y en aura d'autres dans un avenir proche.

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