Intervention de Guillaume Prache

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 11h45
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Guillaume Prache, directeur général de Better Finance :

Je ne serai pas long sur les ICO, mais je voudrais seulement insister sur l'importance de ne pas qualifier les crypto-monnaies d'investissement, d'épargne ou de placement – ou alors, investir dans la monnaie vénézuélienne serait un placement ! Les crypto-monnaies sont des monnaies, certes très spéculatives.

Je n'aurai pas assez de temps pour parler de l'effet de la blockchain sur les banques.

Le cantonnement est un sujet très important. En France, je l'ai dit, l'assurance-vie est le produit dominant pour les particuliers en termes d'épargne financière longue. Dans l'épargne-retraite, les souscripteurs de PERP bénéficient d'un cantonnement réglementaire. C'est très utile et très important, car si vous n'êtes pas dans un canton mais dans l'actif général de l'assureur, l'expérience montre que les contrats longs anciens et fermés sont très peu rémunérés et que les contrats nouveaux ont souvent des taux bonifiés. Et pour cause : l'assureur peut faire ce qu'il veut quand les contrats n'ont pas d'actif spécifique en regard ! Notre position est claire. Nous voulons garder la protection qu'ont les souscripteurs de PERP grâce à l'existence d'un canton par produit d'épargne-retraite. Je comprends bien que c'est fastidieux et contraignant pour les assureurs, d'autant qu'actuellement les PERP sont tout petits. Mais je n'ai jamais entendu dire que cela leur posait des problèmes fondamentaux.

Je sais bien que les assureurs voudraient qu'il n'y ait aucun canton, même pas un canton global pour l'épargne-retraite par rapport à l'épargne plus courte. Mais, comme le dit très justement le projet de loi, il ne serait pas juste que les gens qui ont une épargne plus longue soient fondus avec ceux qui investissent à court terme. Se pose aussi un problème de sécurité : ainsi, en cas de faillite, il nous semble normal de protéger les retraites avant les placements à court terme. J'ai senti que le gouvernement voudrait abandonner le cantonnement par PERP. Au pire, pour le dire de cette façon, notre position de repli serait un cantonnement global, chez chaque assureur, pour tous les produits d'épargne-retraite. Cela les aiderait, d'ailleurs, du point de vue de « Solvabilité 2 ». Mais dans ce cas, il faudrait aussi un cantonnement contractuel pour chaque produit. Cela existe dans l'assurance-vie. La plupart des produits des associations indépendantes d'épargnants, que vous connaissez, sont des fonds contractuellement cantonnés. C'est moins fort que le cantonnement juridique des PERP, mais cela permet d'avoir un portefeuille en face de son épargne.

Quant à la rente bonifiée « dépendance », je n'appellerais pas cela une troisième option. Cette formule rejoint tout à fait notre préoccupation d'une liberté de choix entre capital et rente. Mais dans les cas de grand âge et de dépendance, il s'agit de ne pas faire comme la cigale de La Fontaine, au risque de se trouver fort dépourvu quand l'hiver sera venu. Aussi soutenons-nous l'idée d'un de vos collègues selon laquelle la rente viagère devrait être exonérée en cas d'entrée en dépendance. Cette mesure serait assez juste, puisque, quand vous choisissez la rente viagère, vous bloquez complètement votre épargne.

Enfin, je soutiens fortement les propos de Nicolas Véron concernant la protection des consommateurs en général. Il faut que la France aide au maximum, même si je suis assez pessimiste puisque je pense que le Conseil européen réussira à reporter le projet de réforme des autorités de supervision, donc l'ESMA mais aussi l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA). En effet, dans le projet d'épargne-retraite individuelle paneuropéenne, le Conseil européen n'a pas voulu que l'EIOPA ait un pouvoir de contrôle et de standardisation. Le fait qu'il botte en touche est très grave. Je citerai un seul exemple, puis je m'arrêterai là. Nous avons récemment publié une étude sur la façon dont les superviseurs des fonds font respecter la réglementation sur le document d'information clé pour l'investisseur (DICI), qui fait deux pages. L'ESMA et l'AMF invitent à juste titre les épargnants, pour choisir un fonds, à essayer d'apprécier comment le gérant a réussi ou non à atteindre ses objectifs – d'où l'importance du graphique qui compare la performance du fonds en question sur au moins dix ans avec la performance de l'indicateur de référence ou du benchmark. En France, 99 % des fonds publient effectivement ces données. Mais 54 % des fonds luxembourgeois et 80 % des fonds irlandais ne le font pas. Or ce sont les pays qui bénéficient le plus du seul produit d'épargne paneuropéen, à savoir l'OPCVM, qui peut être distribué dans toute l'Europe. Mais lorsque je demande à l'ESMA de réagir, son président est forcé de reconnaître qu'il ne peut rien faire – en partie parce qu'il est un peu timide, mais en partie aussi parce qu'il n'en a pas les moyens. Et le président de l'AMF me dit la même chose.

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