Votre présentation était très dense. Il est donc difficile de poser toutes les questions qui viennent à l'esprit en vous entendant.
À titre personnel, je suis entièrement d'accord avec votre suggestion de bannir cette expression, qui n'a guère de sens, de « droit à l'enfant », que personne ne demande et qui n'est pas d'actualité. Je pense donc que c'est de quelque chose de différent qu'il est question, et qui est le désir d'enfant, lequel est parfaitement respectable parce qu'il est d'ailleurs souvent la garantie que cet enfant sera bien accueilli, aimé et éduqué. Il n'est donc pas besoin de se faire peur avec des problèmes qui ne se posent pas.
Je suis également d'accord avec votre idée selon laquelle il faut traiter en même temps les questions d'AMP, de filiation et d'accès aux origines. Nous ne pouvons pas les dissocier et si nous ne traitions qu'une partie de ces questions dans la prochaine loi, nous serions coupables et nous induirions des difficultés. Il ne faut donc pas différer parce qu'à entendre toutes les propositions énoncées, certains ont pu imaginer que l'on ferait d'abord une chose, puis une autre. Votre remarque sur le traitement simultané est, à mon sens, tout à fait opportune.
Vous l'avez très bien exprimé, et je ne le dirais sûrement pas aussi bien que vous, mais c'est très important philosophiquement : pour l'instant, on a privilégié, voire essentiellement considéré le droit des donneurs et receveurs ; aujourd'hui, on privilégie enfin le droit des enfants. Tout le monde, je pense, s'accorde sur cette philosophie. Il peut en découler des propositions diverses, mais la philosophie de base est de privilégier le droit des enfants ; c'est l'aspect central.
Dès lors, ma question est de savoir s'il faut aller jusqu'à rendre obligatoire une information sur l'accès aux origines. Je vous pose cette question parce que le Conseil d'État veut, quant à lui, maintenir le secret possible pour les couples hétérosexuels. La question ne se pose évidemment pas pour un couple homosexuel, car l'enfant comprendra très rapidement – généralement, avant même d'atteindre l'âge de la puberté – qu'il y a eu une intervention extérieure. En revanche, pour un couple hétérosexuel, le Conseil d'État hésite à remettre en cause le secret, qui a longtemps été privilégié. Pensez-vous qu'il faille rendre possible soit le secret, soit l'information, soit encore, dans votre logique et pour tenir compte de nombreuses études psychologiques sur ces enfants, qu'il faille aller jusqu'à rendre obligatoire la connaissance à l'âge adulte de l'AMP, y compris pour les couples hétérosexuels ?
Cet accès aux origines revêt deux dimensions : premièrement, l'accès à la notion d'un tiers donneur – autrement dit, une intervention extérieure ; deuxièmement l'accès à des informations sur la personnalité de ce donneur, soit l'accès partiel, soit, lorsque le donneur l'accepte ou le désire, la possibilité qu'ultérieurement, à l'âge adulte, ils puissent se rencontrer. Cette possibilité serait laissée à l'initiative du donneur, qui peut ou non vouloir être connu. Sur ces deux dimensions, que préconisez-vous exactement de dire à l'enfant, puis au jeune adulte né de procréation médicalement assistée (PMA) ?
Vous évoquez la suppression du caractère pathologique. J'adhère à votre proposition, qui correspond à une réalité. Il est faux de dire dans les textes que l'on ne recourt aujourd'hui à la PMA que pour pallier une pathologie. Il est encore plus faux de dire, comme le prétendent certains, que c'est pour traiter l'infertilité. Car on ne traite pas l'infertilité ; évidemment, l'infertilité demeure. Un homme souffrant d'azoospermie, qui recourt à un donneur de sperme, conserve son azoospermie. Sa stérilité demeure, on compense son infertilité. Si on veut étendre la PMA à des femmes célibataires ou homosexuelles, ce caractère pathologique doit, à l'évidence, être banni des textes. Mais combien de couples ayant bénéficié d'une PMA parce qu'au bout de deux ans ils n'avaient pas d'enfant, ont ensuite fécondé dans des conditions parfaitement naturelles, prouvant bien qu'il n'existait aucune stérilité médicale, tout au moins aucune pathologie ? L'infertilité tenait à tel ou tel blocage, que l'on n'identifie pas dans de nombreux cas. Le fait d'avoir bénéficié d'une PMA, comme pour d'autres couples d'avoir bénéficié d'une adoption, a fait qu'ensuite ces couples, hétérosexuels, sont parvenus à concevoir. Cela suffit à démontrer qu'aujourd'hui l'on n'utilise pas ces procédés seulement dans des conditions de pathologie démontrée.
Vous parliez des différents modes de filiation. Cela mériterait un long débat : soit on évoque deux modes de filiation distincts – couples hétérosexuel ou homosexuel – soit on essaie de faire se rapprocher les deux.
Dans l'étude du Conseil d'État qui, je l'avoue, m'a posé question, les deux modes de filiation reconnus sont tellement distincts qu'il en arrive à faire figurer « en marge de la copie intégrale de l'acte de naissance » les caractéristiques en question. Nous avons donc deux modes de filiation spécifiques. Ne risque-t-on pas d'assister à des contestations devant l'une ou l'autre Cour de justice, de l'égalité, sinon de droit, en tout cas, d'image pour les enfants ? Apposer une mention sur l'acte de naissance peut être perçu par certains comme stigmatisant. Est-ce bénéfique ? Est-ce acceptable ? Si l'on veut se rapprocher d'un mode énoncé de filiation unique, cela oblige à modifier les conditions de filiation des couples hétérosexuels, mais est-ce si grave ?
S'il faut corriger le droit pour le rendre meilleur, pour ma part, cela ne me gêne pas. Je sais bien que les juristes souhaitent toujours concilier le droit ancien et le droit futur. Mais n'étant pas juriste, je préfère que le droit s'applique au bénéfice de l'homme plutôt que de transformer les humains pour qu'ils suivent le droit. Nous pourrions en discuter. J'aimerais connaître votre position sur ce point.
Enfin, quid des enfants déjà nés ?