Intervention de Anne Courrèges

Réunion du jeudi 19 juillet 2018 à 9h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

Je vous propose de répondre à la question sur la PMA à la suite de ma présentation générale sur l'assistance médicale à la procréation, d'autant que je présume que d'autres parlementaires s'apprêtent également à la poser.

Les modalités de révision faisant partie des questions de pure opportunité politique ou, à tout le moins, des discussions entre le législateur et le Gouvernement, vous comprendrez bien que nous ne nous prononcions pas sur la question. Bien évidemment, quelles que soient les modalités qui seront adoptées in fine et quels que soient les choix opérés par le législateur, l'Agence fera tout pour s'adapter et répondre aux sollicitations dont elle fera l'objet dans le cadre qui sera ainsi défini.

Concernant les objectifs assignés en matière de transplantation, nous marchons sur deux pieds en matière d'encadrement et d'accompagnement du développement de l'activité : un pied législatif auquel vos travaux participent et un pied pour ce qui est plus de la réflexion à avoir sur l'organisation, les financements de l'activité, la communication et la formation des professionnels. Cela correspond au plan ministériel adopté en 2017, qui régit l'activité jusqu'en 2021, avec l'objectif d'atteindre 7 800 greffes d'ici à 2021.

Cet objectif que nous savions dès le départ extrêmement ambitieux suppose, comme vous venez de le dire, monsieur le rapporteur, de travailler sur les trois sources de greffons de façon complémentaire. Après avoir, pendant longtemps, en France, donné la priorité aux prélèvements sur les donneurs en état de mort encéphalique, nous avons assisté à une prise de conscience, notamment autour du « Nouvel Élan pour la greffe » en 2008, face à une situation dont nous craignions qu'elle soit un plafonnement et qui, finalement, n'a été qu'un plateau. Un tassement de l'activité avait conduit à engager avec l'OPECST et les parlementaires intéressés une réflexion qui conclut à la nécessité de travailler sur les trois sources principales de greffons : le donneur en mort encéphalique, le donneur vivant – ce fut le travail du législateur en 2011 – et le donneur « Maastricht III » dans le cadre des opérations de fin de vie. L'impulsion décisive a été donnée par l'audition à l'OPECST de février 2013. C'est sur ces trois leviers qu'il faut continuer à travailler, de façon complémentaire. Dans certains pays, on a observé que l'attention portée au développement d'une activité s'était parfois faite au détriment d'une autre activité, ce qui s'était soldé par une progression globalement moindre de l'activité de greffe.

Je laisserai le professeur Bastien apporter des précisions.

S'agissant du donneur vivant, les réticences traditionnelles sont réelles. En France, le programme de donneur vivant a été engagé relativement tard, compte tenu de certaines réticences, certains voyant dans l'acte de prélèvement sur un donneur sain une forme de mutilation. L'idée de primum non nocere, la peur de nuire, créait des freins, tout particulièrement au sein du corps médical, qui se combinaient à une grande méconnaissance par les patients eux-mêmes et leurs proches de cette possibilité thérapeutique. Un travail considérable a été réalisé collectivement, par l'assouplissement législatif qui a été proposé, par le travail réalisé pour rendre les financements plus incitatifs, par un travail de communication, en particulier à destination des professionnels de santé pour qu'ils comprennent que cette activité ne présente pas de risques majeurs pour le donneur. Les techniques ont fortement évolué. Désormais effectués par coelioscopie, les actes de prélèvement sont devenus beaucoup moins invasifs et les résultats pour le receveur, excellents. Parallèlement, un travail de communication a été entrepris en direction du grand public. La campagne sur le don d'organe réalisée traditionnellement au mois d'octobre par l'Agence de la biomédecine porte sur le don du vivant.

Tout cela doit se poursuivre, car cette activité qui avait quasiment doublé en cinq ans est aujourd'hui en faible augmentation, voire en stagnation. Des réticences demeurant chez certains praticiens, de même qu'une méconnaissance du sujet par le grand public, la communication doit être poursuivie. Au-delà, il existe des problèmes d'organisation de l'activité. Les équipes font part de difficultés pour organiser la chaîne du prélèvement, comme trouver des créneaux de consultation pour les bilans ou l'organisation de l'accès aux blocs. Ceux qui connaissent le fonctionnement de l'hôpital connaissent la problématique de l'organisation et de l'accès aux blocs, aussi bien pour le donneur en mort encéphalique que pour le donneur vivant.

À cela s'ajoute l'activité des personnels médicaux et non-médicaux. Les infirmiers coordinateurs de greffes, les techniciens d'études cliniques (TEC) et d'autres ont un rôle indispensable à jouer pour la constitution du dossier et pour aboutir au prélèvement et à la greffe. Nous travaillons avec les sociétés savantes concernées et les associations pour voir comment progresser sur chacun de ces leviers et lever les freins que nous avons pu identifier. C'est un travail de longue haleine, je ne vous le cache pas, mais le travail de transplantation est toujours un travail de longue haleine.

Concernant le registre national des refus, qui a vocation à être la modalité principale, je rappelle que d'importants progrès ont été réalisés sous l'influence de l'Agence de la biomédecine. En un an, nous avons enregistré beaucoup plus d'inscriptions sur ce registre que nous ne l'avions fait en vingt ans d'existence du registre. Je ne sais si je plaide coupable, mais reconnaissons avec modestie que l'Agence n'avait pas beaucoup communiqué sur le sujet ! La discussion parlementaire et tous les travaux qui ont eu lieu par la suite avec l'ensemble de la communauté – associations, professionnels de santé, acteurs institutionnels, ainsi que la sortie du film Réparer les vivants –, l'importante action de communication réalisée pendant deux ans ont significativement amélioré la connaissance de la loi par nos concitoyens. Quand l'amendement ad hoc a été voté, 7 % des Français connaissaient la loi sur le consentement présumé. Si les gens ne connaissaient pas le consentement présumé, ils ne risquaient guère de s'inscrire sur le registre national des refus !

La connaissance de la loi s'est beaucoup améliorée, même s'il reste des marges de progression. Le nombre des inscriptions sur le registre a sensiblement augmenté, mais n'est pas arrivé à son terme. Ce que nous comprenons de l'opinion publique, le niveau potentiel d'inscriptions reste significatif. Un travail de pédagogie à long terme doit être poursuivi. La confiance est fondamentale, mais elle est longue à construire et très facile à perdre. Nous savons aussi que la pédagogie s'inscrit dans la durée, et il est besoin de marteler les messages. J'ai un passé dans l'Education nationale, où l'on dit que la pédagogie est affaire de répétition. Dans le domaine de la transplantation, c'est plus que jamais le cas au sujet de la pédagogie du don et du consentement présumé.

Je vais laisser le professeur Bastien compléter mon propos.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.