Intervention de Cecilia Malmström

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Cecilia Malmström, commissaire européenne au commerce :

À l'instar de l'accord avec le Canada, les accords avec le MERCOSUR, le Mexique et le Chili seront mixtes. Nous suivrons la décision de la Cour de justice, pour définir clairement les responsabilités commerciales européennes et les accords dans lesquels les parlements nationaux doivent impérativement être impliqués. Mais, que les accords soient mixtes ou non, je défends l'idée selon laquelle ces derniers doivent être associés aux négociations dès leur commencement, afin de pouvoir discuter des engagements et exercer une surveillance. Dans de nombreux pays, notamment en France, me semble-t-il, des comités ont été créés qui permettent de débattre avec la société civile. Moi-même, je parcours l'Union européenne pour discuter des accords commerciaux avec les citoyens. Nous allons poursuivre dans cette voie. Nous avons, du reste, créé un comité de suivi permanent composé de représentants de la société civile, qui peut émettre des avis sur tous les accords. Il serait bon qu'un tel comité soit institué dans chaque État membre. J'ajoute, monsieur Maire, qu'à compter de l'accord avec le Japon, tous les accords commerciaux feront directement référence à l'application de l'accord de Paris et prévoiront des actions conjointes pour sa mise en oeuvre.

En ce qui concerne les questions alimentaires, je rappelle que les normes européennes doivent toujours être respectées par nos partenaires, qu'un accord ait été conclu ou non. Dès qu'un produit entre sur le territoire de l'Union, il se voit appliquer les lois européennes. S'il n'est pas conforme à ces règles, il ne peut pas entrer ; c'est la loi. Ainsi, alors que le Brésil rencontrait des difficultés avec certains de ses produits que nous importons d'ores et déjà, nous avons créé un comité de suivi afin de contrôler chaque pièce de viande en provenance du Brésil ; aucune contamination n'a été constatée. Nous avons donc travaillé avec les autorités brésiliennes – et ce, avant qu'un accord soit signé avec le MERCOSUR – pour essayer d'améliorer la situation. Plusieurs abattoirs ont ainsi été fermés, sur nos conseils. La situation n'est pas parfaite, certes, mais elle s'est améliorée.

Encore une fois, chaque produit qui entre dans l'Union européenne doit respecter les règles européennes. Le boeuf aux hormones, par exemple, est interdit ; il l'était par le passé et il le restera à l'avenir, avec ou sans accord. C'est du reste la raison pour laquelle on trouve très peu de boeuf canadien dans l'Union européenne : le Canada n'atteint même pas son quota. En effet, mettre sur pied une ligne de production de boeuf sans hormones revient trop cher à ses éleveurs, qui préfèrent donc se tourner vers d'autres marchés. Pourtant, le quota canadien est de seulement 0,6 % de l'ensemble de la consommation européenne de boeuf. À ce propos, je précise que ce ne sont pas des milliers de tonnes de boeuf qui vont entrer dans l'Union européenne. Aujourd'hui déjà – en l'absence de tout accord, donc –, vous pouvez acheter du boeuf argentin ou brésilien. Actuellement, nous discutons, en étant bien conscients des lignes rouges définies par le gouvernement français notamment, de la fixation d'un quota – car il s'agit toujours de quotas : nous n'avons pas libéralisé l'importation de viande bovine – qui permettrait à ces pays d'augmenter légèrement les quantités de viande qu'ils peuvent vendre en Europe. Les accords commerciaux ouvrent à l'importation moins de 4 % de la consommation totale de viande bovine ; ce n'est donc pas une inondation. En tout état de cause, c'est au consommateur de choisir le boeuf ou le poulet qu'il souhaite acheter. Je le répète – et c'est vrai également pour le poulet ou pour le sucre, qui sont également des sujets sensibles – nous ne libéralisons jamais : nous fixons des quotas, qui ne peuvent pas être dépassés.

Les accords prévoient-ils une réciprocité ? Oui, mais elle n'est pas absolue. Pour les secteurs dans lesquels nous avons des intérêts offensifs, nous demandons une plus grande ouverture ; quant à nos partenaires, ils ont d'autres intérêts, si bien que, dans l'ensemble, l'accord est équilibré. Tel n'est pas le cas, en revanche, de nos accords avec les pays ACP, qui sont asymétriques. Nos partenaires africains peuvent, en effet, exclure de ces accords des marchés entiers ou de jeunes industries qu'ils jugent important de protéger. Nous leur ouvrons notre marché, mais nous n'exigeons pas de réciprocité. Au demeurant, ces accords comportent une part importante d'aide au développement, destinée à favoriser leur insertion dans le commerce global. Il est vrai qu'il y a une forte demande de l'Argentine et du Brésil d'accéder à notre marché de viande bovine. Mais les accords avec le Japon, et ultérieurement avec Singapour et le Vietnam, permettront à nos producteurs de boeuf notamment d'exporter vers ces marchés très importants qui nous étaient jusqu'à présent fermés.

Quelle est la politique commerciale de l'Union européenne ? Elle consiste à toujours respecter les règles internationales, à travailler avec les organisations internationales, à améliorer et à développer l'OMC, même si le contexte actuel n'est pas très favorable. Elle repose sur les trois principes suivants.

Premièrement, elle doit être plus transparente pour les citoyens, les parlements nationaux et la société civile. Deuxièmement, elle doit être fondée sur nos valeurs car, si le profit économique est important, dans la mesure où il crée des emplois et de la croissance, notre politique commerciale doit être un moyen de promouvoir nos valeurs. Nous avons une responsabilité particulière, à cet égard, en tant que premier commerçant mondial. Troisièmement, elle doit être efficace pour nos entreprises. Dans ce domaine, nous pouvons mieux faire, avec les États membres et les organisations patronales, pour impliquer les PME dans notre politique commerciale et leur montrer les possibilités qui s'offrent à elles.

En ce qui concerne l'accord avec le MERCOSUR, la France a défini, pour ce qui est des importations de viande bovine, des lignes rouges qui sont bien connues et que nous respecterons – nous entretenons un dialogue avec le gouvernement français à ce sujet. Quant au secteur laitier, il n'est pas exclu des négociations. Nous discutons de cette question, et nous verrons jusqu'où nous pourrons aller. Par ailleurs, nous avons conclu, il y a dix ans, avec le Brésil un accord sur les conditions de traçabilité, qui a été respecté jusqu'à présent et qui doit continuer à l'être. C'est à nous et aux Brésiliens de contrôler la viande qu'ils exportent. Nous ne pouvons pas imposer entièrement notre système à un autre pays, mais nos normes sont toujours respectées.

Quant au respect des décisions de la Cour de justice, c'est une question que je juge très importante. Des discussions sont en cours entre le Service européen pour l'action extérieure de l'Union et le Maroc, et nous étudions la manière dont nous pourrions y associer le Sahara occidental. Un cas est encore pendant devant la Cour, mais l'intention de l'Union européenne est bien de respecter sa décision. Cependant, si la Commission peut exercer un contrôle général, c'est aux États membres de s'assurer que leurs entreprises respectent les décisions prises au niveau européen.

Tout doit-il être exporté ? On peut en effet se poser la question. Tant qu'il existe une demande et des échanges, nous facilitons le commerce ; c'est aussi une manière de favoriser l'exportation des techniques environnementales, par exemple, et donc d'aider nos partenaires à mieux appliquer l'accord de Paris en faveur de la transition écologique. Faut-il pour autant importer de la viande de l'autre bout du monde lorsqu'il y en a tout à côté ? C'est un choix qui relève des individus. En tout cas, nous nous sommes engagés à développer le commerce équitable et à favoriser l'importation de ses produits, pour encourager les grandes organisations de ce secteur. De toute façon, je le rappelle, lorsque la Commission négocie des accords, qu'ils soient bilatéraux ou régionaux, elle le fait toujours dans le cadre du mandat qui lui est confié à l'unanimité par les États membres. Dans la mesure où les services et les produits continuent de s'échanger et où les États membres nous demandent de négocier des accords, nous nous efforçons de faciliter le commerce. C'est, du reste, un moyen de lutter contre la pauvreté dans beaucoup de pays que de les intégrer dans les marchés globaux.

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