Intervention de Olivier Richard

Réunion du mercredi 16 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Olivier Richard, ambassadeur de France en Birmanie :

L'évolution peut être positive à long terme pour plusieurs raisons. D'abord, parce que l'armée birmane, aussi épouvantable soit-elle, n'est plus la même qu'il y a dix ans – le discours a évolué, certains responsables d'actes criminels commencent à être punis. Bien sûr, on est très loin de ce qui conviendrait, mais les militaires sont soucieux de leur respectabilité internationale et la haute hiérarchie a été très surprise par la réaction de la communauté internationale : elle pensait que le discours anti-terroriste ferait tout passer, ce qui montre à quel point ils la connaissent mal. Mais il y a maintenant l'Internet en Birmanie, tous les officiers y ont accès et l'on ne pourra plus leur bourrer le crâne comme on le faisait auparavant.

D'autre part, la société civile est d'une qualité exceptionnelle. La France et tous les pays occidentaux l'aident beaucoup. Il y a aussi une presse très courageuse ; de manière surprenante, la presse birmane est l'une des plus libres d'Asie du Sud-Est, mais la Birmanie est aussi l'un des pays où les journalistes sont les plus menacés, car si la liberté d'expression est réelle, des lois répressives font que si l'on dit quelque chose qui déplaît aux militaires, on peut finir en prison. C'est le cas, par exemple, des journalistes de l'agence Reuters, gens courageux qui se battent pour la liberté de la presse.

Et puis Aung San Suu Kyi est responsable d'une évolution qui ne se voit guère pour l'instant mais qui aura des conséquences à terme : elle a nommé des gens qui ne sont pas issus de la nomenklatura militaire. Avant son arrivée au pouvoir, tous les postes étaient tenus par des militaires ou d'anciens militaires. Elle a nommé des gens principalement issus de son parti et un peu de la société civile, qui n'avaient jamais dirigé ne serait-ce qu'un village et qui acquièrent une expérience de gouvernement. Certains le font bien, d'autres moins bien, mais tous constituent l'amorce d'une contre-élite qui doit se former progressivement. Il faudra une génération, peut-être deux, pour que l'énorme pieuvre militaire commence à se réduire. En résumé, je pense qu'il y a un avenir autre possible pour la Birmanie, mais que cela prendra du temps.

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