Intervention de Geneviève Darrieussecq

Réunion du mercredi 25 juillet 2018 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées :

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, merci de m'accueillir si nombreux à quelques jours du terme de la session extraordinaire. Comme l'a rappelé le président Bridey à l'instant, je m'étais en effet engagée auprès de vous, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour l'année 2018, à conduire une consultation des principales associations du monde combattant afin de recueillir leurs principales attentes, d'établir une vision partagée sur les données chiffrées correspondantes – que l'on parle du nombre de bénéficiaires ou de l'impact budgétaire de certains dispositifs proposés – et, enfin, de classer les actions à engager entre 2019 et 2022 selon leur niveau de priorité. Bien entendu, mon engagement portait aussi sur ma venue devant vous afin de vous rendre compte de ces discussions, et d'en débattre.

À titre liminaire, je souhaiterais vous remettre, Monsieur le président, un court rapport témoignant de l'activité des différents groupes de travail que j'avais installés. Je vous confie le soin d'assurer sa large diffusion au sein de la commission de telle sorte que chacun puisse prendre connaissance de manière exhaustive du travail que nous avons conduit. D'abord, un mot sur la méthode. J'ai tout simplement réuni les principales associations du monde combattant, c'est-à-dire celles qui font partie du mal nommé « G12 » qui regroupe un peu moins de vingt associations constituant les principaux interlocuteurs du ministère. Trois groupes de travail thématiques ont été créés : le premier portait sur la réparation et les pensions militaires d'invalidité (PMI) ; le deuxième sur la quatrième génération du feu ; le troisième sur les blessés et les invalides. Chaque groupe de travail a consulté les différentes associations et, en définitive, sept réunions ont été tenues, permettant de traiter vingt-huit sujets dont vous trouverez la liste dans le rapport que j'évoquais à l'instant. Parmi ces sujets, on trouve tant des demandes anciennes que des revendications plus récentes liées à l'évolution du monde combattant et des préoccupations. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je n'entrerai pas ici dans le détail de toutes ces questions mais me focaliserai sur les principales. En revanche, je me tiens bien sûr à votre disposition pour répondre à vos interrogations.

Premièrement, le premier groupe de travail a d'abord permis d'évoquer la question de l'attribution de la carte du combattant pour les militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu'en 1964, que j'ai proposé au président de la République de mettre en oeuvre dès l'année 2019 au regard de l'unanimité du monde combattant quant à son caractère prioritaire. Il m'a d'ailleurs aussi semblé que l'Assemblée nationale comme le Sénat jugeaient cette extension prioritaire. Aussi convient-il de saluer la décision du Premier ministre d'inclure cette mesure dans le prochain projet de loi de finances. Il vous appartiendra donc de décider de son effectivité par votre vote, et je crois pouvoir dire qu'il existe peu d'obstacles.

Par ailleurs, les associations ont fait part de leur souhait de voir instituée une commission tripartite sur l'évolution du point d'indice de pension militaire d'invalidité. Pour rappel, les modalités de calcul de ce « point PMI » – selon des modalités définies en 2005 si je ne m'abuse - indexaient son évolution sur celle de la grille indiciaire des fonctionnaires. Celle-ci a parfois crû, souvent stagné – je vous rassure, elle n'a jamais diminué… – mais les associations estiment que l'évolution de ce point ne correspond pas à l'évolution du coût de la vie. Pourtant, à long terme il apparaît que la situation est globalement équilibrée. De plus, la modernisation à venir des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR) modifiera la grille indiciaire des fonctionnaires et aura ainsi un effet sur le niveau du point PMI. En conséquence, j'ai signifié mon accord pour la constitution d'une telle commission tripartite, dont la mission sera d'analyser de manière fine tous ces éléments.

Ensuite, le groupe de travail a mis en avant la question de l'attribution de la campagne double au titre de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Comme vous le savez, la campagne double ne concerne que les fonctionnaires et assimilés. À l'heure actuelle, les blessés bénéficient d'une année entière de campagne double, les autres soldats-fonctionnaires de l'époque en bénéficient selon le nombre de jours de présence sur les théâtres des conflits, à partir des informations et des calculs établis par le service historique de la défense et le service des pensions. Je vous informe ne pas avoir donné d'avis favorable sur ce point, les règles en vigueur me paraissant tout à fait cohérentes, et ce d'autant qu'elles ont été fixées par le monde combattant lui-même.

Enfin, l'attribution d'une demi-part fiscale pour les veuves d'anciens combattants décédés avant l'âge de 74 ans. Là aussi je n'ai pas émis d'avis favorable auprès des associations car il n'est pas possible d'accorder un droit au conjoint alors même que l'ancien combattant lui-même n'en bénéficiait pas ! Il me semble important de tenir une position claire sur le sujet, même si certains considèrent qu'il s'agit d'une injustice.

Pour conclure sur les demandes formulées par le premier groupe de travail, je dirai un mot de l'indemnisation des orphelins de guerre et des pupilles de la Nation, quelle que soit l'origine de leur statut. J'ai émis un avis défavorable, et ce pour une raison simple : à l'initiative du Législateur, il y a eu une volonté d'indemniser de particulière les orphelins victimes de la barbarie nazie. Il me semble que la Nation a voulu mettre l'accent sur la situation particulière de ces enfants et il ne me paraît pas opportun d'étendre cette indemnisation à tous les orphelins et toutes les pupilles. Je rappelle d'ailleurs à ce titre que les orphelins et pupilles ne sont pas laissés pour compte puisqu'ils sont pris en charge par l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) jusqu'à l'âge de 21 ans puis, tout au long de leur vie au travers de l'aide sociale mise en oeuvre par l'Office.

Deuxièmement, le groupe de travail sur la quatrième génération du feu a d'abord mis en avant la possibilité d'attribuer le titre de reconnaissance de la Nation (TRN) aux réservistes engagés dans l'opération Sentinelle. Après consultation de l'état-major des armées, j'ai émis un avis défavorable, dans la mesure où le TRN est intimement lié au statut de combattant, lui-même lié à un état de guerre ou à la participation à une opération extérieure (OPEX). Or, juridiquement, on ne peut pas considérer que le territoire national est le théâtre d'une guerre. De plus, une telle mesure entraînerait une rupture d'égalité entre les militaires d'active et les réservistes. Aussi ai-je proposé que les réservistes participant à l'opération Sentinelle et blessés dans ce cadre puissent, après un examen au cas par cas, devenir ressortissant de l'ONACVG.

Au-delà, ce groupe, principalement mobilisé sur la reconnaissance, a proposé l'attribution de la mention « Mort pour la France » pour les militaires décédés dans le cadre d'une opération intérieure (OPINT) ou en raison d'un acte de terrorisme. Là aussi j'ai émis un avis défavorable car cette mention est elle aussi liée à l'existence d'un acte de guerre. Pour les situations rencontrées sur le territoire national, la précédente majorité avait créé une nouvelle mention, « Mort pour le service de la Nation », parfaitement adaptée et nullement galvaudée comme certains le croient parfois. À mon sens, il importe de souligner le caractère complémentaire de ces deux mentions. Je rappelle à ce titre que le colonel Beltrame s'est vu attribuer la mention « Mort pour le service de la Nation ».

Le groupe a également mentionné le retrait de la condition de ressource pour la pension d'ascendant, alors même que l'intention du législateur était d'aider les ascendants les plus démunis. En effet, l'État se substitue ainsi aux enfants morts pour la France qui ne sont plus en mesure de remplir leur devoir alimentaire à l'égard de leurs ascendants, prévu par le code civil. En revanche, si les ascendants disposent de ressources suffisantes, ils ne font jamais appel à leurs enfants et le Gouvernement souhaite en rester là.

La dernière demande dont je souhaitais vous faire part au titre des travaux de ce groupe est celle relative à l'installation d'une plaque sous l'Arc de Triomphe en hommage aux militaires morts pour la France en OPEX. Bien sûr, le ministère est tout à fait favorable à cette demande qui relève en réalité du ministère de la Culture. Nous avons d'ailleurs engagé les discussions avec ce ministère et je ne doute pas que cette demande puisse aboutir.

Troisièmement, je souhaiterais vous parler de trois demandes particulières formulées par le groupe de travail sur les blessés et les invalides.

D'abord, comme nous en avons déjà parlé, la revalorisation des expertises PMI. Comme vous le savez, l'instruction des demandes de versement de PMI est souvent longue, principalement en raison du manque d'experts et de l'allongement des délais d'attente de rendez-vous. À ce sujet, je tiens à souligner que les honoraires des médecins réalisant ces expertises étaient plus faibles que pour d'autres expertises, réalisées au profit d'autres ministères par exemple. Il en ressort une moindre attractivité et c'est pourquoi nous souhaitons revaloriser les expertises, au service des anciens combattants et des blessés. Une telle évolution suppose la conclusion d'un accord interministériel au sujet de laquelle je me montre assez confiante.

Ensuite, la création de paliers supplémentaires pour les conjoints survivants agissant comme tierce personne au-delà d'une période de dix années. Il s'agit d'une question très technique qui mérite d'être travaillée davantage. C'est pourquoi le ministère a, en l'état, émis un avis réservé. Au fil des législatures, de multiples strates se sont empilées et je vous avoue que la compréhension est ardue. Nous avancerons donc au cas par cas dans les mois et années à venir.

En quelques mots, voilà donc ce qu'il ressort des travaux des différents groupes de travail. Permettez-moi d'indiquer que les associations du monde combattant ont été tout à fait satisfaites de cette méthode de travail, qu'elles n'avaient jamais connue. Nous avons ainsi pu faire un point exhaustif sur l'ensemble des demandes. Pour être honnête, il me semble que ces demandes ne sont pas exagérées, et ce car beaucoup de choses ont déjà été faites. À mon sens, l'enjeu est d'abord de continuer à accompagner le monde combattant, auquel nous devons le plus grand respect et une profonde reconnaissance, mais surtout de réaliser que le monde combattant se trouve à une période charnière. Alors que le plus gros contingent des anciens combattants est composé des appelés de la Guerre d'Algérie, ces grands témoins vont peu à peu nous quitter – le plus tard possible bien sûr. Dans le même temps, les jeunes ayant été déployés quatre mois en OPEX vont rejoindre ce monde combattant. Aujourd'hui, il y a près de 160 000 jeunes anciens combattants et, d'ici une quinzaine d'années, le monde combattant sera majoritairement composé d'anciens militaires de carrière. Or, le ressenti, les besoins et les demandes de ces jeunes seront complètement différentes de celles des conscrits et il nous faut dès à présent anticiper les choses afin de préparer au mieux la transition à venir.

Enfin, je terminerai en vous indiquant que ces groupes de travail ne seront pas dissous. Je continuerai à les réunir tant pour faire le point sur la mise en oeuvre des demandes que pour conduire une évaluation des dispositifs entrés en vigueur.

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