Monsieur le ministre, vous avez fait part d'une très grande ambition : définir un nouveau modèle d'économie française. Malheureusement, il y a un décalage considérable entre l'objectif affiché et la teneur du texte. Vous proposez une simplification, une de plus, sans doute pas la dernière, qui comporte des avancées, et nous en soutiendrons certaines, mais dont nous considérons qu'elle ne va pas assez loin.
Pour ce qui est des seuils, vous vous vantez de faire passer le seuil au-delà duquel les employeurs doivent remplir certaines obligations administratives et financières, de 20 à 50 salariés. Or, sur le terrain, les artisans et les commerçants se plaignent des obligations qu'ils doivent remplir dès que le nombre de leurs salariés passe de 10 à 11, tandis que les chefs de PME évoquent, eux, le seuil de 50 salariés... Vous avez décidément fait le travail à moitié puisque, à ces seuils, correspondent des obligations et que vous ne touchez pas au code du travail, si bien que vous allez laisser perdurer une très grande complexité. Je perçois sur le terrain une grande frustration par rapport à l'objectif affiché.
En ce qui concerne l'intéressement, vous soutenez que la suppression du forfait social va tout changer. Avant 2008, il n'y avait pas de forfait social et pourtant l'intéressement et la participation n'étaient pas si développés que cela, dans les PME. Vous n'êtes, là non plus, pas allés suffisamment loin dans la réflexion, aussi les députés du groupe Les Républicains vous feront-ils des propositions.
Vous n'avez par ailleurs absolument pas abordé la question des statuts juridiques proposés aux créateurs d'entreprises. Il existe une vraie forêt de statuts, au prix d'une grande complexité, ici aussi. Or vous étiez attendus sur ce sujet.
Paradoxe : ce projet de loi de simplification pourrait même compliquer la vie des entreprises. Ainsi, la suppression des centres de formalités des entreprises (CFE), la suppression du stage préalable à l'installation, c'est la suppression de l'accompagnement des créateurs d'entreprises – pourtant indispensable, c'est en tout cas ce qu'on nous dit sur le terrain.
L'obligation pour l'entreprise, ensuite, de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité : mais c'est une folie que de vouloir imposer une telle disposition à l'ensemble des entreprises et modifier le code civil en conséquence ! Voilà qui sera une source incroyable de contentieux. Comment traduire concrètement cette obligation ? Comment sanctionner sa non-observation par l'entreprise ? Ce n'est pas sérieux. Oui aux entreprises de mission, non à cette modification du code civil.
Je reviens sur la suppression du forfait social, qui va coûter plus d'un milliard d'euros à l'État. Vous auriez pu financer ce milliard par des économies mais, comme vous en êtes incapables, vous allez supprimer certaines aides aux entreprises – ces dernières aimeraient du reste bien savoir lesquelles. C'est pratique, en tout cas pas très difficile : vous allez faire des cadeaux aux entreprises avec l'argent des entreprises…
Le texte suscite d'autres questions comme la vente d'Aéroports de Paris ou de la Française des Jeux, l'évolution de la Caisse des dépôts et consignations, ou la protection de nos entreprises stratégiques.
Le projet de loi souffre d'importantes lacunes : vous voulez faire entrer l'économie française dans le « nouveau monde », mais il n'y a rien sur l'économie numérique – j'en ai été franchement surpris. J'ai lu dans la presse que des députés de La République en Marche avaient été mobilisés pour déposer quelques amendements afin de combler cette lacune. Il est dommage que vous n'ayez rien anticipé en la matière.
Quant à la sous-traitance, vous n'en parlez pas non plus.
Enfin en ce qui concerne la transmission des entreprises, vos propositions sont très superficielles.
Pour conclure, comme pour le texte relatif à l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole (EGALIM), comme pour le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), comme pour de nombreux textes que vous avez soumis à notre examen depuis le début de la législature, vous suscitez de nombreux espoirs pour, malheureusement, j'y insiste, beaucoup de déception à l'arrivée.
Une économie repose d'abord et avant tout sur la confiance ; aussi, cessez d'envoyer des signaux contradictoires : vous nous proposez aujourd'hui une loi de simplification, le lendemain du jour où a été confirmée l'application du prélèvement à la source qui sera, c'est le cas de le dire, une vraie source de complexification pour nos entreprises.