Je m'exprimerai pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Vous avez fait référence, monsieur le ministre, en forme de clin d'oeil à notre bonne mine et au soleil qui a brillé en Normandie. Mais il semble que, dans l'entreprise, dans la société, dans le pays, le soleil ne brille pas de la même façon pour tout le monde. Aujourd'hui, Le Monde nous apprend que la fortune cumulée des 500 personnes les plus riches de France représente 30 % du PIB, alors qu'il n'enreprésentait que 10 % en 2009.
Cette loi va-t-elle aggraver le rapport entre le capital et le travail, ou va-t-elle permettre de répondre au piège dans lequel vous vous enfermez chaque jour un peu plus ? Je parle de la panne de pouvoir d'achat de nos concitoyens, panne que vos mauvaises mesures fiscales, vos mauvaises mesures tout court, ont aggravée.
Je vais très rapidement insister sur trois volets du texte. Je commence par la contradiction que représente l'idée selon laquelle les entreprises vont être invitées, à travers votre texte, à se soucier de l'intérêt général et à assumer une responsabilité sociale et environnementale, au moment où l'État se débarrasse de ses fonctions régaliennes, brade les bijoux de famille et, au bout du compte, se prive des outils qui lui permettent de jouer le rôle d'État stratège. À force de vous entendre rappeler votre volonté de préserver un État stratège, nous finissons par douter de votre capacité à y parvenir.
La privatisation en est l'illustration – puisque, ne jouons pas sur les mots, c'est bien de cela dont il s'agit, qu'elle concerne ADP, Engie ou la Française des Jeux, dont l'abandon va priver le milieu sportif de la capacité de trouver des moyens financiers. Le risque existe que cela produise les mêmes effets qu'avec les autoroutes : faire payer à nos concitoyens les profits des actionnaires.
Vous prétendez ensuite supprimer les barrières à l'activité. Votre idée générale, récurrente, est de libérer, de faciliter, d'enlever le plus possible de barrières, tarifaires ou non, qui seraient des freins aux entreprises et à la croissance. En vérité, les lois se suivent et se ressemblent, tandis que leurs conséquences positives pour nos concitoyens manquent cruellement.
Même les entreprises et les chefs d'entreprise, lorsqu'on prend le soin de les consulter – la note de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de 2017 en atteste – nous disent que vos cibles, telles que l'abaissement des seuils sociaux qui va se traduire par la diminution de la contribution au 1 % logement patronal, ou la suppression des règlements intérieurs, qui sont quelquefois des outils nécessaires au dialogue serein dans les PME, ne sont pas de nature à favoriser la croissance. Je crois que vous en êtes vous même convaincu, mais l'idéologie vous rattrape.
J'en viens au développement de l'actionnariat, qui nous est présenté comme la recette miracle pour faire face à la panne, à la dégradation, aux amputations du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Nous considérons que l'épargne salariale n'est pas un substitut possible au salaire. Certes, elle peut s'y ajouter, mais, en tout état ce cause, il faudra veiller à ce qu'elle ne s'y substitue pas. Il s'agit, en l'état, d'un cache-misère pour votre échec sur le pouvoir d'achat.
Les parlementaires communistes abordent ce projet de loi avec combativité et énergie, mais aussi avec des propositions visant à mieux encadrer la rémunération des dirigeants. Il s'agit de mettre la question du pouvoir d'achat au coeur des priorités en cette rentrée, de réorienter les aides publiques en faveur des besoins sociaux, mais aussi de l'économie réelle, de nos PME et de nos PMI. Il s'agit enfin de responsabiliser les donneurs d'ordre : des fonds d'investissement prédateurs s'emploient à pomper nos trésors industriels dans l'ensemble de nos territoires ; c'est une question que le projet appréhende et règle mal : les mesures qu'il contient ne protègent pas nos fleurons industriels ni, partant, notre souveraineté.