Jean-Charles Taugourdeau a évoqué la question des seuils. Sur ce point, nous avons effectivement fait le choix politique de sacraliser, comme vous le dites, le seuil de 50 salariés. Cependant, nous faisons en sorte d'assouplir le fonctionnement de ce seuil, à la fois par les dispositions sur le code du travail que j'ai rappelées – on passe de trois instances à une instance unique, ce qui constitue une simplification majeure – et en laissant un délai de cinq années consécutives à l'entreprise avant qu'elle ne soit soumise aux obligations attachées à ce seuil. Une autre logique aurait consisté à rehausser le seuil à 75 salariés, mais la solution retenue me paraît à la fois plus juste et plus efficace.
Pour ce qui est de la fiscalité française et de la nécessité de rattraper notre retard en la matière par rapport à nos principaux concurrents, notamment européens, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je rappelle cependant que nous avons voté la baisse de l'impôt sur les sociétés, passé de 33,3 % à 25 %, ce que personne n'avait fait auparavant et qui nous place dans la moyenne des pays européens. Par ailleurs, nous avons transformé le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégements de charges définitifs, ce qui procure aux entreprises un avantage considérable en termes de trésorerie et de stabilité. Enfin, nous avons obtenu, dans le cadre de la déclaration de Meseberg signée par la chancelière Angela Merkel et le Président de la République Emmanuel Macron, un accord sur la convergence de l'impôt sur les sociétés entre la France et l'Allemagne : il s'agit là d'un accord historique, et qui va dans le sens que vous souhaitez.
Monsieur Saint-Martin, je tiens tout d'abord à vous remercier pour le travail que vous avez accompli sur la question du financement des entreprises. Ce travail tout à fait remarquable a été très largement utilisé pour la rédaction du texte de loi qui vous est présenté aujourd'hui. J'estime que la puissance publique a effectivement un rôle à jouer dans le capital-investissement. À titre d'exemple, Bpifrance a investi, me semble-t-il, près d'un milliard d'euros en « fonds de fonds » en 2017, et a vocation à continuer de financer le capital-risque avec le soutien de l'État. Je suis convaincu que l'État a un rôle important à jouer en matière de capital-investissement, et l'opération que nous avons lancée en association avec la Caisse des dépôts et consignations et La Poste a eu pour effet de créer ce fameux pôle de financement public qui était très attendu, notamment par les parlementaires ici présents.
Sur le forfait social, évoqué par Patrick Hetzel, je considère que la première rupture de l'égalité est celle que l'on constate entre les salariés travaillant au sein d'une entreprise de 20, 30 ou 40 salariés et les salariés qui se trouvent au sein d'une entreprise de 300, 400 ou 500 salariés. Les premiers n'ont pas accès à l'intéressement ou à la participation, alors que les seconds en profitent. Je vous sais attaché autant que moi à cette logique gaulliste de l'intéressement et la participation, et les analyses juridiques réalisées par Jean-Dominique Senard et par Nicole Notat – ainsi que celle que nous avons nous-mêmes effectuée – font apparaître qu'il n'y a pas de rupture d'égalité devant la charge publique en supprimant le forfait social. Bien évidemment, je prends note des observations du Conseil d'État, mais j'estime que nous avons raison de corriger une inégalité fondamentale entre les salariés des petites entreprises et les salariés des grandes entreprises. Pour ce qui est du code civil, je constate simplement que le Conseil d'État n'a pas jugé nécessaire de revoir la rédaction que nous avons proposée à l'issue de nos échanges avec lui.
Monsieur Zulesi, je partage votre analyse sur le rôle des métropoles. Au sujet de celle d'Aix-Marseille – sans doute celle qui vous intéresse le plus –, j'ai eu récemment l'occasion d'appeler son ancien président, mon ami Jean-Claude Gaudin, pour le remercier de tout le travail qu'il a accompli, mais aussi pour lui redire à quel point je crois au rôle des métropoles dans le développement économique. Si je ne suis pas inquiet pour les métropoles, j'avoue être assez préoccupé par la concentration de richesses, d'entreprises, de laboratoires et de start-up qu'on y constate, c'est pourquoi je n'hésite pas à dire que je souhaite que nous mettions l'accent sur les territoires ruraux : cette loi doit en effet servir la prospérité de tous les Français, sur tous les territoires.
Nous avons travaillé durant quatorze mois sur la prise de contrôle de La Poste par la Caisse des dépôts et consignations et si je me suis autant battu pour que cette opération aboutisse, c'est que j'estime qu'elle permettra la constitution d'un instrument puissant à disposition des territoires. Développer le très haut débit, cela a forcément un coût, mais on ne peut en faire l'économie : quand un territoire est situé dans une zone blanche, comment pourrait-il ambitionner de se développer économiquement, sans réseau 4G et sans accès à la fibre, aujourd'hui indispensables aux échanges commerciaux ? Les métropoles ont un rôle important à jouer, mais j'estime que si la puissance publique a un rôle correctif à exercer, c'est plutôt à destination des territoires ruraux et des quartiers qui concentrent aujourd'hui le plus de difficultés économiques.
Martial Saddier, je vous remercie d'avoir cité Lionel Baud et la vallée de l'Arve. Vous connaissez ma passion pour ce territoire et l'admiration que j'ai pour l'industrie du décolletage, dont vous allez beaucoup m'entendre parler durant ce débat. À mes yeux, c'est en effet le modèle d'une industrie familiale qui a su se réinventer sans cesse, et qui a compris que l'emploi passe par l'innovation : contrairement à ce que l'on entend souvent affirmer de manière absurde, la robotisation ne supprime pas de l'emploi, elle en crée ! Elle décharge les salariés des tâches pénibles, elle augmente les volumes et la qualité du produit, elle facilite l'exportation et elle développe l'emploi. Pour toutes ces raisons, il me paraît absolument indispensable de disposer de plus de capital pour financer la robotisation.
Je vous rejoins dans ce que vous dites sur les filières et les sous-traitants et j'estime qu'il y a une vraie transformation culturelle à mener pour que les grandes entreprises respectent davantage leurs sous-traitants et fassent preuve à leur égard d'une plus grande solidarité. Sur ce point, je rappelle que, dans le texte, l'État, qui est aussi un grand commanditaire, va améliorer son fonctionnement par rapport aux entreprises. On entend souvent dire que l'État est mauvais payeur et, pour y remédier, nous allons mettre fin à l'offre de service à zéro euro, ce qui représente un changement majeur : cela fait des années que les entreprises concernées demandent la suppression de cette pratique, consistant pour le maître d'ouvrage d'une commande publique à obliger l'entreprise retenue à réaliser des travaux supplémentaires sans contrepartie.
Pour ce qui est des commandes publiques de l'État, nous allons faire un geste très significatif, consistant à porter de 5 % à 20 % l'obligation de versement d'acompte à la commande. En termes de trésorerie et de relations entre le maître d'oeuvre et son commanditaire, il s'agit là d'une amélioration très significative.
Enfin, je rejoins vos préoccupations relatives à la filière diesel, et je peux vous dire que nous suivons ce dossier de très près – je pense en particulier à l'usine Bosch à Rodez. Plus largement, je répète qu'en matière économique, j'entends que l'État ait pour mission d'accompagner les filières et les secteurs en difficulté, notamment celui du diesel.