Intervention de Jérôme Nury

Séance en hémicycle du mercredi 12 septembre 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

Il est même très loin d'y être, monsieur le ministre, et je pense pouvoir dire au terme de ce long travail, dans lequel je reconnais votre implication, que vous le savez aussi bien que nous.

Le Président de la République avait fait miroiter la perspective d'une grande loi agricole lors du quinquennat. Il se dédit ici, ce soir, en présentant par votre entremise à l'approbation de la représentation parlementaire un piètre filet garni de quelques mesures, pour la plupart insuffisamment ambitieuses, sans effet direct sur les dimensions économique, sociétale, entrepreneuriale de nos fermes, tout en omettant de traiter de nombreux sujets qui conditionnent le devenir de l'agriculture française et sa place dans le paysage concurrentiel européen et mondial.

C'est ce sentiment d'un rendez-vous manqué, cette certitude terrible qu'il n'y aura pas, dans ce quinquennat, d'autre occasion de donner à nos agriculteurs les outils de leur réussite et l'énergie de continuer de se battre, qui me fait vous proposer ce soir, chers collègues, de rejeter ce texte afin de le réécrire, de le supplanter par une vraie loi agricole, de lui donner ce supplément d'âme qui pourrait vraiment changer les choses et retourner une tendance souvent vécue comme une spirale infernale. Ce n'est donc pas une pirouette, ni une façon de polémiquer : nous ne l'avons jamais fait et j'ai bien trop de respect pour nos paysans pour m'aventurer sur ce terrain. C'est un cri d'alerte que je lance ici à la représentation nationale, afin que nous ne commettions pas l'irréparable.

À l'examen de ce projet de loi, dans son état actuel, plusieurs constats s'imposent. Le premier porte sur la dispersion de ce texte, qui se perd dans des sujets divers et variés au détriment de l'essentiel : le revenu de nos agriculteurs. Une multitude d'articles additionnels a fleuri au sein du texte, contribuant à le dénaturer et le faire dévier de son but principal.

C'est le cas par exemple de l'article 13 bis A : en interdisant le réaménagement de bâtiments destinés à l'élevage en cage, il risque d'entraîner dans l'illégalité des projets parfois déjà en construction. Il pourrait ainsi faire perdre des sommes d'argent colossales à des éleveurs qui se sont vus contraints d'investir énormément afin de se mettre aux normes. Cet article leur fait courir des risques insoutenables et entraînera la faillite d'une grande partie de la filière. Une telle mesure n'a pas sa place dans un texte qui prône le retour d'une agriculture forte. La même analyse peut être faite avec le débat sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, qui a totalement occulté le volet économique de ce projet de loi.

Le deuxième constat concerne la présence d'un certain nombre de mesures qui pourraient s'avérer néfastes, sous couvert d'apparences positives ; des mesures qui viennent insidieusement troubler l'équilibre de notre agriculture.

Premier exemple avec la filière bio : le texte, dans sa version actuelle, impose une affectation de 15 % de la surface agricole utile à l'agriculture biologique au 31 décembre 2022. Cette mesure risque d'emporter des déséquilibres dans une filière qui fonctionne pourtant très bien. De nombreuses filières se sont d'ores et déjà fixé des objectifs en termes de production bio. Il serait donc plus judicieux de laisser les filières s'adapter et de favoriser, au contraire, la consommation locale. C'est le cas, en particulier, pour l'article 11, qui s'applique à la restauration collective. Cet article insiste sur la consommation bio, alors qu'il devrait favoriser la consommation locale. Ce caractère obligatoire risque de contraindre les opérateurs à se fournir à l'étranger, dans des pays où le bio n'a pas du tout la même signification qu'en France et au détriment de nos productions françaises locales.

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